Jacques Cazotte |
Causant avec la Prairie, La Rivière adroitement Rabattit sur le torrent ; Je suis sa meilleure amie ; On croit qu'il est mon parent, À cause de la ravine, Qui se prétend ma cousine, Et dont on dit qu'il descend. Je serais désespérée De dire à d'autres qu'à vous Ce qu'en pense la contrée ; Mais il y passe, entre nous, Pour un scélérat insigne. Il a fait un trait indigne. Quelque pan, ptès de ces lieux, On sacrifiait aux Dieux. Il part du haut de la cime; Comme un foudre il se répand, Entraine, chemin faisant. L'idole, le desservant, Les dévots et la victime. II n'a pas de lit certain ; Mais, dans son cours libertin, Quelque part qu'il s achemine, saccage, déracine ; Il s'élance avec fureur. Précédé par la terreur Et suivi de la ruine. Son cours est un vrai fléau. Ce n'est pas que je me loue ; Mais regardez bien mon eau, Vous n'y verrez pas de boue. Je m'écoule, à petit bruic, Et, partout sur mon passage, Plaine, bosquet, pâturage, Tout s'engraisse, tout fleurit... La Prairie, impatiente, Dit, le ciel en soit béni : La gloire en revient à lui. Qui vous ménagea la pente. Mais si, changeant de niveau, Vous tombiez d'un peu plus haut Que ce torrent si coupable, Vous seriez plus intraitable. Plaignons les gens dont les penchants sont forts : Il doit leur en coûter pour vaincre la nature : Quand ils font mal, sans doute ils ont des torts, Mais Dieu seul en sait la mesure. |
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Jacques Cazotte (1719 - 1792) |
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Portrait de Jacques Cazotte | |||||||||