Jacques Chessex |
Scandale de ces oillets cramoisis À Ventrée du jardin tôt ce matin Quand le fuyant vent prétend rouvrir Une faille dans ma volonté Viens ma veinée, mon aile de vulcain Approche de mon cour ton souffle Au lieu de ce vent mouillé d'octobre Viens avec les oillets de ton souffle sur mon souffle Calme ma pensée à cette forge Ne passe pas, ô Passagère Demeure un temps sur ma poitrine au lieu du vent Et que le brasier de tes bras Le feu frais de ton âme Brûlent mon souffle au-devant de la pluie Mon âme aux feux d'octobre Dans la terre des passants et des ancêtres Viens ma veinée, mon battement d'ailes Mon vulcain couleur de flamme rose Approche de ma bouche une diaprure Sur la vieille terre des ancêtres Donne-moi ta bouche fraîche comme une petite cendre luisante Donne-moi ton cour humide au lieu de la pluie pourrie Appuie un corps léger sur toute parole que je pourrais dire Enferme-moi dans ton corps et dans ta pensée Je n'ai pas d'autre naissance que toi Si tu me rends ceux de ma race et leur histoire avant moi Je n'ai d'autre origine que toi Que ce feu mouillé dans ton secret de tombe et de ciel O appelée Frange de feu devant la nuit Donne un grand coup d'aile pour faire taire Les vieilles voix de la mort Viens ma veinée, ma respirante Viens mon vulcain de toute ta forge Approche de mes yeux ton souffle Chasse de mon cour le démon du Passage Viens avec les oillets de ta bouche sur mes os mortels Avec le parfum matinal de ton âme dans mon âme Il n'y a pas de mort pour celui dont tu te souviens Entonne un chant au fond de ma poudre Dresse-toi devant mes yeux comme les oillets de ce matin au jardin Donne un coup d'aile pour abolir le vent désert Tu sais qu'ainsi je reviendrai Sans plus d'instant ni de fuite Ni d'appels vers tant d'autres songes Peut-être parce que tu es le seul Songe Dans ton grand battement immobile Et le silence de ton air Lumière de ces oillets cramoisis à l'aube Comme des braises devant le vide Quand le fuyant vent Maintenant désencombre ma pensée Et toi vulcain disparaissant au vent d'octobre Je t'envie et je t'aime! J'aime tes ailes fières dans la buée Et la rumeur par toi de la Parole Sous tant de mots avec les morts Dans la fraîche terre qui remue et qui parle à leur souffle Avec les alliances du corps au-delà du corps Et leur musique d'ombre charnelle dans les arbres |
Contact - Membres - Conditions d'utilisation
© WikiPoemes - Droits de reproduction et de diffusion réservés.
Jacques Chessex (1934 - 2009) |
|||||||||
|
|||||||||
Portrait de Jacques Chessex | |||||||||
BiographieJacques Chessex fait ses études à Fribourg, puis à Lausanne où il entreprend des études de lettres et rédige un mémoire sur Francis Ponge. Il s'oriente ensuite vers l'enseignement du français, mais écrit dès son plus jeune âge de la poésie. Il publie en 1954 un premier recueil Le jour proche, bientôt suivi de trois autres volumes Chant de printemps, Une Voix dans la nuit, Batailles dans l'air. |
|||||||||