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Jacques Du Lorens



Satire v - Satire


Satire / Poémes d'Jacques Du Lorens





Mariage.

Sur ta difficulté j'ay trouvé la response;

Prens la pour un advis ou pour une semonse,

Il ne m'en chaut d'un zest; en disant verité,

De ce que je te doi je me suis aquité;

Mes pensées ne sont ny hautes ny subtiles,

Mais bien en ce subject les fueilles des sybilles.

L'homme seroit bien fin qui m'y prendroit sans vert.



D'ailleurs à mes amis je parle à coeur ouvert,

Et ne suis point de ceux qui leur flattent l'oreille,

Qui, pour les decevoir, leur rit à la pareille.

Tu te veux marier estant desja grison;

Tu aurois plus tost fait de te mettre en prison,

De passer le guichet, d'entrer en vive geole.

Ta maistresse t'endort, te coëffe et te cageole;

Ce n'est, quand à present, qu'amours et que ferveurs;

Ses propos sont de miel, c'est la mesme faveur,

Son haleine sent mieux que les fleurs de nos prées,

Son geste est humble, honneste, et ses façons sucrées;

Mais tout cela n'est rien qu'un art et un traffic;

Car la femme est d'humeur semblable au basilic,

Qui picque en chatoüillant; au dehors c'est un ange.

Quand j'aurois le pinceau du brave
Michel
Ange,

Ou la plume d'Homere et tout l'esprit des grecs,

Je ne ferois sinon amasser des regrets,

Si j'employois mon tens à la vouloir depeindre;

Jamais à ce degré je ne pourrois atteindre.

Je sens bien ce que c'est, moy qui suis au collier,

Mais je suis à l'escrire un petit escholier;

C'est où
Messire
Jean mangea son breviaire,

C'est où l'art est quinaut auprés de la matiere,

Qui le passe d'autant que le plus haut des cieux

Ces corps qui à grand peine apparroissent aux yeux,

Dont le monde fut fait au dire d'Epicure,

Qui crioit que les dieux des hommes n'avoient cure,

Et qu'ils vivoient oisifs en toute seureté;

Les livres de
Moyse il n'avoit fueilleté.



Quiconque est desireux d'entrer au mariage

Entreprend, mon amy, de faire un long voyage;

D'heureux et franc qu'il est, il veut s'embarasser,

Il cerche des procés à jamais ne cesser,

Que le lict tire à soy comme la paille l'ambre;

Il en feroit plus tost dessus le pot de chambre;

Quant au jour, il se passe ainsi qu'il plaist à
Dieu.

Qui prend femme peut bien aux plaisirs dire adieu;

Il se pert, il se tuë, il se met à la géne,

Il attache à son col une bien longue chéne;

Il renonce à soy mesme, il devient tout d'autruy.

Demande à ton voisin, je m'en rapporte à luy.

Qui prend femme se vend; il se donne, il s'engage,

Il court à son malheur, il cerche son dommage;

De sain et sauf qu'il est, il poursuit des douleurs,

Il se met au carquan, il se livre aux voleurs,

Il se brouille, il s'embrene, il gaste son mystere,

Il se rend aux appas d'une belle misere.

En lieu de se moucher, il s'arrache le nez;

Pensant que ses beaux jours de la paix soient bornez,

Il seme en sa maison une guerre civile;

Il ne luy vient que croix, encor qu'il prenne pile;

Il s'englue, il s'empestre, il s'enferre, il se point,

Il chausse des souliers qui sont trop cours d'un point;

Pensant s'accomoder et se mettre à son aize,

Il chet, comme l'on dit, de la poisle en la braize;

Il se met de bon gré entre mains de sergens;

La femme et eux sont faits pour tourmenter les gens;

Mais, pour n'en point mentir, tous deux sont necessaires,

L'une à coudre et filer, l'autre pour les affaires.

Croyant prendre une femme, on est bien souvent pris;

C'est un des passetens de l'enfant de
Cypris,

Qui sçait bander les yeux d'une genereuse ame,

Affin qu'elle consente au vouloir de sa flame.



Il y a bien vingt ans que j'y fu bien pipé;

Jamais pauvre vilain ne fut mieux attrapé.

Tu cognois les façons de nostre mesnagere,

Qui fait que je me couche et me leve en cholere,

Qui ne veut voir chez moy, pour boire et pour manger,

Ny
Gautier ny
Guerguille, en deussay je enrager;

Qui controlle mes jeux, mes yeux, mes pourmenades,

Qui faict autant de bruict que toutes les menades,

Qui danse, chante, rit et pleure en un instant,

Groumele qu'à l'aimer je suis trop inconstant;

Qui souffre plus d'ennuy, par vaine jalousie,

Que ce pauvre escuyer dont la terre est saisie

Pour cent escus qu'il doit il y a bien dix ans,

Et pour vivre d'ailleurs n'a moyens suffisans.

Ma fortune ce jour avoit pris un clystere,

Qu'elle jetta sur moy, je ne m'en sçaurois taire;

Le silence d'ailleurs ne m'apporte aucun bien,

Ny mon lasche babil ne me guerit de rien.

J'ay beau luy remontrer que c'est d'obeïssance,

Que par nostre coustume elle est en ma puissance,

Qu'il ne luy suffit pas, ainsi qu'un bon miroir

Dont la glace est unie, au dehors recevoir

L'object de mes desirs; qu'il doit en son coeur estre

Profondement gravé; bref, que je suis le mestre.



Je n'use que ma langue en ce fascheux discours,

Et je sens bien qu'il faut que le mal ait son cours.

La femme a cet humeur : tant plus on luy resiste,

Comme ces bons plaideurs tant plus elle persiste,

Tant plus elle conteste, et jamais ne se rend;

Elle fait par dépit tout ce qu'on luy deffend.

Son desir est sa loy, sa passion son juge,

En affaire douteux l'audace est son refuge.

Elle est plus dangereuse au fort de son courroux,

Plus aspre à se vanger, que n'est un lion roux.

Elle veut achever toutes ses entreprises,

Elle en va faire voeux dans toutes les eglises,

Des voeux tant éloignez des reigles du devoir

Que le ciel indigné ne les veut recevoir.

L'un parle de poison, et l'autre d'amourettes;

Qu'elles puissent durer, et qu'elles soient secrettes;

Qu'elle aime sans aimer, avec discretion;

Qu'elle aye tout pouvoir sur son affection

Pour quitter ou reprendre une amour delaissée,

Et que jamais de feindre elle ne soit lassée;

Que ses yeux et son front soient au bien composez;

Ses propos, ses desseins, tellement disposez

Que tous les medecins et les apoticaires,

Qu'Argus mesme ne peut voir clair à ses affaires;

Qu'elle puisse rouler en toute liberté;

Qu'en ne reffusant rien à sa lubricité,

En prenant les plaisirs de la chair à son aize,

Elle aye aussi bon bruict que la
Dame
D'Epheze;

Que son vilain mary n'en devienne jalous;

Que ses jambes plustost soient mangées des loups;

L'autre de vanité, d'orgueil et de licence,

De dances, de balets et de rejouissance.

L'autre de la beauté, d'embonpoint, d'affiquets,

De perles, de rubis, d'or, et de bons banquets,

De paroistre en soleil, et que ce soit un crime

De ne la pas loger en la plus haute estime;

Qu'on ne parle que d'elle au milieu de la cour;

Qu'elle soit reputée un miracle d'amour,

L'honneur de son pays, la lumiere des belles;

Que les plus continens luy offrent des chandelles.

Car ce sexe sur tout est tres-ambitieux,

Prodigue tout ensemble et avaritieux;

Il se vend pour fournir au luxe et aux delices;

Les plus grandes vertus, à son goust, sont ses vices.



Il sçait bien quand il faut mortifier son taint,

Ouir messes, jeusner, contrefaire le saint,

D'autant qu'au lieu de force il est garny de ruze;

Toutefois, s'il se trompe, aux contracts, on l'excuze,

Dedans le parlement, et dans les autres cours,

Et, s'il tombe à l'envers, il a les talons cours.

C'est pourquoy les cocus dont la
France est farcie,

L'Espagne, l'Angleterre et toute l'Italie,

Sçavent si bien garder le silence, de peur

Que, s'ils ouvrent la bouche, ils perdent leur honneur.

Mettez les sur les rangs, ils rechangent de note;

Parlez leur de catin, ils ont ouy
Charlotte.

À tourner la truye au foin ils sont bien duis.

Le diable, outre cela, n'est tousjours à un huis.

Ils ont des compagnons, c'est ce qui les console,

Ils n'en plaideront pas, je t'en donne parole.

J'entens les advisez qui sçavent mieux que c'est,

Et qui ne veulent pas l'estre par un arrest,

Qui demeure tousjours, qu'un greffier enregistre,

Qui dans une famille est un infame tiltre;

Ce qui est fait est fait : or la dexterité

Gist à faire vertu de la necessité.

Claude fut bien contraint de souffrir
Messaline,

Qui remportoit souvent à la couche divine

Les odeurs du bordel;
Marc
Aurelle a vescu

Joignant aux grands surnoms le surnom de cocu.



Ces dieux mortels ont pris leur mal en patience,

Et toy, qui es un rien, tu en feras instance?

Toubeau, mon ami doux, ne prens cecy pour toy,

C'est pour
Jean qui ne peut, et peut-estre pour moy;

Non que jusques icy j'aye eu mal à la teste;

Mais l'homme est au milieu de l'ange et de la beste,

Subject à tous malheurs et à tous accidans,

Non plus un laboureur qu'un grave presidant,

Qu'un roy, qu'un empereur; ma femme comme un autre

Peut aussi m'enfiler en la grand'patenostre.

Je n'ay pas resolu, t'envoyant mon advis,

Dressé, comme tu vois, en forme de devis,

D'escrire tout au long l'histoire de nos dames;

J'aurois peur d'amortir l'ardeur des vives flames

Dont ton coeur est épris, et pecher contre amour,

Si tu as arresté de cuire à nostre four,

De vivre sous l'hymen, de porter sa livrée.

Si déja dans le ciel la chance en est livrée,

Si mesme ton bon ange au contract a signé,

Cest assez attendu, cest assez tastonné,

Et c'est hors de saison tirer le cul arriere.

Quoy qu'en puisse advenir, il faut passer carriere.



Au fond, le mariage est un grand sacrement.

En l'eglise et en
Christ, dés le commencement,

Il fut institué, depeur que nostre race,

Si l'homme vivoit seul, par le tens ne s'efface.

La femme est sa compagne, il la doit bien cherir;

Elle aussy à son tour est pour le secourir;

Quoy que nous en disions, elle a de bonnes heures;

Tel en médit ainsi que le renard des meures,

Pour n'avoir sceu gaigner la parfaicte amitié

De celle qu'il taschoit de faire sa moitié.

Ma foy, nous y serions un peu trop à nostre aise,

Si la femme n'estoit de nature mauvaise;

Nous, à nous bien priser, ne valons guere mieux,

Mais aux fautes d'autruy nous avons de grands yeux,

Et puis nous en avons de taupe à voir les nostres.

Nous, disoit
Jeanne à
Jean, sommes de bons apostres;

Comme asnes au marché nous nous entregrattons,

Nous approuvons nos moeurs, nos vices nous flattons,

Nous avons le pouvoir, nous gouvernons les villes;

À nostre jugement, nous sommes tres-habiles,

En guerre, à la maison, au conseil, à la cour;

Dieu, tant nous sommes bons, nous en doit de retour.

Il est temps de finir, j'auroi peur que ma verve,

Qui tousjours mesme ton fantasque ne conserve,

Ne loüast à la fin ce qu'au commencement

Ell'a mis au rabais, et que ce changement

Fist dire qu'au hazard mes propos je debite,

Que je les couche icy sans ordre et sans eslite,

Que je sui bien plustost le cours de mon humeur,

Comme un homme qui n'a l'esprit encore meur,

Ni des raisons assez pour dorer son ouvrage.

Vrayement je ne suis pas si affamé de nom

Pour me mettre en maillot; si j'ai quelque renom

Entre mes familiers, c'est où je ne me fie;

J'ay trop appris que c'est par ma philosophie.



C'est ce qu'on ne doit pas entre ses biens conter,

Pour ce qu'à tous momens on le nous peut oster.

Arrive qui pourra, j'auray l'ame contente,

Pourveu qu'en escrivant quelque chose j'invente

Qui soit au goust de tous, et qui serve au public.

Jamais je n'eu le coeur aux biens ny au traffic.

Tout mon contentement repose dans un livre

Qui à si peu de frais monstre comme il faut vivre,

Et quel chemin on doit tenir en ces bas lieux

Pour parvenir un jour à la gloire des cieux.

J'ay leu dedans
Sainct
Paul, affin que je retourne

À mon premier propos, qu'une femme en détourne;

Cependant qu'on luy plaist, qu'on suit sa volonté,

Le service de
Dieu n'est plus à rien conté.

Nous oublions le ciel, où se font les tonnerres,

Pour acquerir icy des rentes et des terres,

Qui rapportent foin, vin, bois et blé en saison.

Nous desirons sortir d'une belle maison,

Avancer nos enfans, et les faire paroistre;

À ce joly dessein nous nous servons du cloistre,

Il y en faut jetter si le nombre est trop grand,

Car il faut beluter, soit à bis ou à blanc;

Il faut estre quelqu'un, sur tout que la bourgeoise,

Soit elle de
Paris ou d'auprés de
Pontoise,

Ponne dessus ses oeufs.
Je m'en rapporte à toy,

Marie toy demain s'il ne tient plus qu'à moy;

Dieu mercy qu'à mes yeux toutes choses sont belles,

Et que je suis du bois dont on faict les vielles.

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Jacques Du Lorens
(1580 - 1655)
 
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