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Jacques Du Lorens



Satire vi - Satire


Satire / Poémes d'Jacques Du Lorens





À monseigneur le
Comte
De
Choisy.

Non, ce n'ont pas esté les livres d'Aristote,

De son maistre
Platon, ny du vieux
Herodote,

Encor moins de
Virgile ou d'Ovide
Nason,

Peut estre n'a ce esté le sens ny la raison,

Qui m'ont faict rimailler à la nouvelle mode,

Delaissant pour un temps mon digeste et mon code.

Quoy donc?
Interrogez tant seulement vos yeux,

Voyez ce qui se faict sous la voûte des cieux,

Et, si vous demeurez au royaume de
France,

Considerez un peu de quelle violance

Et avec quel credit y regnent les abus.



Quand vous n'auriez jamais imaginé
Phoebus,

Quand vous n'auriez masché ny laurier ny lierre,

Quand vous seriez pestris de la plus dure pierre,

Non des quatre elemens comme nous sommes tous,

Pourveu que vous fussiez capable de courrous,

Vous feriez de bons vers.
Moy, sur qui un poëte

Vole comme feroit l'aigle sur l'alouete,

Je ne dois mon ozer qu'au subject abondant;

Si j'avoi le genie au vouloir respondant,

Dieu sçait si je plaindrois mes veilles et ma peine,

Si je ferois sonner le rivage de
Seine.

Hyle, hyle qui fut à son tour favorit,

Qu'Hercide justement pour sa beauté cherit,

Le ciel, par trop jaloux de ce qui nous honore,

L'a ravi pour marquer le jour avec l'aurore.

La fleur naist et si meurt en un jour du printens,

Ce qui a de l'excés ne dure pas long-temps.

Les mayennes, fronsacs, les beuverons, les termes,

Pour estre trop vaillans, n'ont pas vescu longs termes.

Il faut estre poltron pour vivre longuement,

Il faut estre homme lourd et sans entendement,

Il faut estre un niais, un asne à courte oreille,

Pour vivre aage de cerf, de chesne ou de corneille;

Il ne faut estre né que pour boire et manger;

Mais, pour faire fortune, il faut estre estranger;

C'est ce qui fait l'honneur, la grace, les merites,

C'est ce qui fait nommer ceux-là des hypolites

Et les bellerophons; n'en soyons ebays,

Nous qui avons teté les femmes du pays;

On cognoist nos parens, on cognoist nos villages,

On ne reçoit icy que les nouveaux visages,

Et doit on aussi peu s'emouvoir de ce goust

Que de voir des chaleurs au milieu du mois d'aoust,

Des guilées en mars, en fevrier des neges,

Que de voir des faquins plantez dans les maneges.



Il n'est que de juger les choses comme il faut.

Heureux trois fois celuy qui cognoist son deffaut

Et la valeur d'autruy, qui sçait tenir mesure,

Qui se laisse conduire au vouloir de nature,

Qui porte doucement les erreurs qui ont cours,

Voyant que les humains ne vivent par discours,

Que les malheurs sont faits seulement pour les sages,

Qu'en dépit de
Charon la sottise a des pages.

Qui sçait de la raison borner tous ses desirs,

Qui sçait à quoy l'on doit employer ses loysirs,

Ne se trouble de rien, et croit que ceste vie,

À bien philosopher, est une comedie;

Que chaque homme icy bas y jouë son rolet,

L'un de roi, d'empereur, et l'autre de valet;

Qu'il n'importe pas quoy, pourveu qu'on s'en acquitte;

Les tiltres relevez ne font pas le merite,

Les vrays biens ne sont pas d'estre appelé marquis,

Jouir de ses amours, manger les mets exquis

Qui furent figurez par les dous fruicts des lottes;

Il faut purger son ame, et la tirer des crottes,

Il la faut dégager des terrestres objects,

Pour sa condition trop vils et trop abjects.



Puisque
Dieu l'a souflée, elle est toute divine,

Elle doit donc sentir l'air de cette origine,

Et le musc et le myr de la bouche de
Dieu;

Elle ne doit agir que dans ce beau milieu,

Tant cerché, tant chery de la philosophie,

Qui fait durer les bons en dépit de l'envie.

Il s'en faut retourner d'où nous sommes venus;

Les riches laisseront leurs amples revenus,

Leurs palais, leurs thresors, leur vanité, leur gloire,

Et les pauvres aux cieux le nectar iront boire.

Monsieur, obligez moy que je vous die encor

Que tout ce qui esclate et qui luit n'est pas or;

Ne boivez pas l'erreur du commun populaire,

N'écoutez les flatteurs qui ne visent qu'à plaire;

Ce discours n'est pas sain, qui dit que le bon heur

Consiste à posseder richesses et honneur,

Estre mignon des roys, avoir des advantages;

Ceux là tant seulement sont heureux qui sont sages,

Qui observent les loix, qui ayment verité,

Qui envers le prochain brulent de charité,

Et qui sans passion nomment prochains tous hommes,

Soient gascons, angevins, ou du païs des pommes,

Chynois, italiens, turcs, mores ou romains,

Qui comme bons chrestiens sont courtois et humains,

Qui pour rien ne voudroient faire tort à personne,

Non pas mesme voler l'argent de la couronne,

Comme ceux qu'aujourd'huy l'on nomme beaus esprits,

Fussent-ils asseurez de n'y estre surpris;

Qui sont bons conseillers, bons tuteurs, bons arbitres;

Qui en ces mauvais temps reffuseroient des mytres;

Dont l'esprit genereux est taint en pieté;

Qui ne fondent l'honneur que sur l'humilité,

Et, bien qu'ils soient yssus d'une tres-noble race,

Ne méprisent pourtant les confreres d'Horace,

Sçachans que bons chevaux naissent de tous haras,

Que parmy les vilains y a de bons soldats,

Dont par aprés se font de braves capitaines;

Preferent à leur sang les opinions saines;

Fermes en leurs propos, non ainsi que vous faints,

Que certains jours de l'an on prendroit pour des saincts,

Avec vostre façon tristement composée,

Un langage qui tombe aussi doux que rozée,

Qui vous insinuez dedans les volontez,

Sous modeste semblant qui estes effrontez,

Des couleurs de vertu qui habillez le vice,

Qui marquez l'equinoxe au vray point du solstice,

Qui parlez autrement que vous n'avez pensé,

Qui pour tirer proffit vendez un trespassé,

Qui aprouvez l'honneste et visez à l'utile.



Je voudrois bien sur vous verser toute ma bile,

Pour vous faire cognoistre ennemis du devoir;

Sur ma foy, je voudrois que mon papier fut noir,

Aussi bien que mon encre, affin de vous depeindre;

Le noir est la couleur dont le vice il faut teindre;

Couleur d'hypocrisie à qui la clarté nuit,

Qui ne hait que le jour et n'ayme que la nuit,

Qui frequente l'eglise, où elle oit tant de messes,

Et, quand se vient au point, ne tient pas ses promesses;

Qui se moque de
Dieu, des anges et des saincts,

Sinon en tant qu'ils font reussir ses desseins.

Nous n'aurions jamais fait, muse, ployons nos voiles.

Il seroit plus aisé de conter les estoiles,

Les mouches amasser au son d'un clair bassin,

Que de penser icy, comme un bon medecin,

Tous les facheux effects de l'humaine bestise.

Robin, qui à toute heure est debout à l'eglise,

D'un des ordres sacrez de freres mandians,

À la cour du palais, ou aux comedians,

Qui est assez beau gars pour passer à la montre,

Qui, comme le soleil, en tout lieu se rencontre,

Meriteroit bien seul un poëme nouveau;

Mais ce n'est pas mon fait de travailler en veau.

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Jacques Du Lorens
(1580 - 1655)
 
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