Jacques Dupin |
(extraits) Toute une vie le chemin les pierres dans le soleil une roue exténuée le moyeu creusé pour qu'elle tourne éclaire, écrive éclaire nos pas dans la nuit par un harcèlement de mots du temps fracturé, du temps broyé, assouvi... de retour du corps à corps devenu le fil à fil d'une inscription incestueuse qui aurait trahi le masque, les sueurs, les cailloux. l'eau morte des vies coulées dont on ne sort qu'en taillant à vif : la vigne vieille, le rosier neuf le ruissellement de la pluie Une tête prise au collet la mienne chaque nuit harnachée, tuyautée, branchée sur une soufflerie d'air commise à dépiauter, à ronger la sentence de mort d'une obstruction qui bourgeonne - du chiendent qui prolifère dans la hure du ronfleur Dans les découpes gravées j'ai cru voir la sour de ma cage d'air une cage ouverte et fermée, dans laquelle je dors -je dois dormir un cachot intraduisible que l'obscurité du vent rebrousse assèche, et désertifie ma discorde dort masquée la pointe suture, et réconcilie Tu serais avec moi sous le masque nous nous endormirions garrottés corrodés par la sécheresse momifiés dans la couleur adossés à la toute-puissance du modèle absent toi, moi, l'autre, le souffle qui se tresse à l'insignifiance de l'air déchaîné un vent machinique un vent sans bourrasques ni accalmie pour abattre une floraison excessive, un barrage de mots dans la nuit et dégager le passage d'un sommeil à vif poussé au rouge et la distorsion des figures du sommeil * Se lever tôt, se coucher tard, restreindre l'espace de réparation retrouver le souffle des mots perdus hors de la cage d'air comme un cheval qui se bat contre les taons, le hasard, contre les mouches et le noir avec tes contre-cages odorantes avec les insectes doux d'un visage de femme-enfant qui se glissent, qui se jouent entre les branchies et la soif Je suis sans identité comme, coupant, par les bois le pas d'un autre, toujours un autre, à la fin, par les bois l'étirement de la peur dans le poignet, les veines alanguies du bras ma mort, sans l'avoir vécue, elle, sans voix, me tirant... toute l'eau du ciel dans les feuilles de la forêt, dans la résonance des pierres empêchée d'écrire - écrivant ce qui me tue sans une goutte de sang * Le poète - il n'existe pas - est celui qui change de sexe comme de chemise une humide contre une sèche, une rose contre un caillou et vice vers... précipice un feu de branches déjà vertes... quelles fleurs pourraient surgir rien ne presse que le pas l'ombre qu'il jette Les mots me manquent pour jouir du chèvrefeuille, du jasmin frappé par le vent violent le sol brille le jour bat je suis aveugle - et lié à ta voix indestructible qui compte le vide des pas sous les fibres de l'image le mot relance la mort de la déesse calcaire... le corps vient de rajeunir le souffle de s'éparpiller |
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Jacques Dupin (1927 - ?) |
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