Jamal Boudouma |
Paris. Place Notre-Dame Triste jeudi Soleil déglingué comme le fusil de mon grand-père) Chariots traînant la nostalgie Petites cathédrales collées au papier de l'âme Où iras-tu mon ami ? Notre âge est suspendu au-dessus d'un pommier Les anges nous arrosent de désespoir et les morts plantent leurs têtes dans la vie pour qu'elles repoussent en fleurs énigmatiques dans tes yeux pour qu'une rivière resurgisse du passé Les chariots traînent la nostalgie (Midelt. Neige cernant les routes de décembre Soleil éteint depuis des siècles) Un poteau électrique surplombant l'avenue décrépite continue à fredonner la même chanson depuis un quart de siècle (Meknès. Les oliviers méditent calmement sur un banc dans le jardin d'un mercredi épuisé) Qui fouettera cette route ? Pourquoi les constructions basses pensent-elles à s'envoler ? Je retournerai à l'amour à l'instar d'un philosophe qu'une idée insolente a perdu dans un livre timoré Ne me reconnaîtront ni les flaques de pluie ni les fantômes des vendeurs de poisson Ne me reconnaîtront ni le portail du quartier ni les pousses de riz mais je me dresserai dans l'idée insolente au milieu du livre timoré j'embrasserai avril sur la bouche pour que refleurissent les arbres défunts de l'amour (Rabat. Vendredi d'un lâche Les visages des gens : comprimés d'aspirine Chapeaux à la manière de Magritte Accroché en haut du bâtiment de la poste, le soleil) Tel un énorme policier mon âme m'empoigne par les cheveux et me traîne vers le précipice Les cafés bondés de brouillard accueillent des étoiles carrées, pâlissantes Je monte au ciel L'âme me traîne vers le précipice En chemin, je rencontre les amis méditant sur... la vie comme s'ils pissaient au petit matin dans un champ de tomates ou entreprenaient sur le lit de l'audace des seins de femmes ayant dépassé la cinquantaine Évoluer dans le ciel revient à passer en revue les filles que nous avons aimées à la hâte Si seulement j'étais seul si ce policier énorme laissait mes cheveux à leurs rêves ! (Midelt. Café des Fleurs. Nuit sénile criblée d'étoiles et de pertes) À quoi songent les chaises ? À quoi rêve la tasse de café épuisée ? Grains de café. Grains de désespoir Comment se porte le désespoir au Café des Fleurs ? Les amis bleus cherchent sur l'échiquier des billets de voyage pour Saturne La montagne rampe vers les fenêtres du passé Une ville lève ses cigarettes vers Dieu Une ville mange une pomme pour grandir et verse la neige sur les amis bleus aux âmes accrochées à de vieux poteaux dans des embarcations ivres, ivres, ignorées de Rimbaud (Ijtabat. Triangle rouge dans la tête d'un homme en retard Soirées fugaces. Pluies timides. Ciel équivoque) Tous deux assis dans le tableau de Munch Il s'est ouvert la poitrine avec un couteau Elle a fermé ses yeux à l'aide d'une chanson Le soir est clairvoyant car il boit un verre de lait froid Tel un singe, la terre sautille sur un tapis vert Les passants à destination du vide se prennent pour des arbres et le tourbillon se fait cri Lui. arpente les avenues de l'âme considère l'Histoire comme si c'était une corde à linge où pendraient des étoiles trempées de pluie Les étoiles ne chantent pas Insouciantes, elles prennent le chemin de midi (Meknès. Le café La Tulipe est bondé En chour, les arbres interprètent l'automne Au matin, mon visage me précède Ville morte. Morte) Que de chants funèbres as-tu traversés, hirondelle avant d'arriver, que de sanglots ! Triviale, la pluie boit du thé avant de tomber Ma tête, elle, tombe dans la tasse et les bras m'en tombent Le jardin pleure, les lapins sautillent sur la ceinture du vent Où vas-tu, cygne ? Qui a souillé d'hymnes tes songes ? Nous suivrons l'hirondelle, embarrasserons le ciel avec une tasse de café et quelques mots Légers, nous monterons vers Dieu tels des samedis éculés (Lieu inconnu. Nombreux soleils pendus à des poteaux électriques) Les soldats. Les soldats. Les soldats où m'emmènent-ils. les soldats ? Je ne me suis battu sur aucun front je n'ai pas revêtu de casque je n'ai mené que les guerres de l'amour je n'ai porté que les chapeaux de la nostalgie je ne me suis tué que sur la photo de famille dans des poèmes insignifiants, éparpillés et chaque fois je me relevais poursuivais ma marche vers Dieu terminais d'égorger le coq dans une vaste idée Où m'emmènent-ils, les soldats ? Je sèmerai des patates dans leurs paletots pour que le front explose et que je prenne la fuite seul, dans un hélicoptère en papier de trois mètres carrés de superficie comme le font les héros dans les films de guerre américains Mais où m'emmènent-ils. les soldats ? (Paris. Place Notre-Dame. Décor de la première scène) Les chariots traînent la nostalgie |
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Jamal Boudouma (1973 - ?) |
Portrait de Jamal Boudouma |