Le chat curé - Fable

Un chat était curé de
Saint-Germain-des-Prés.

Des curés aussi bien logés

Il n'y en a pas tant en
France.

Celui-ci aurait dû bénir la
Providence :

Il se plaignait de ne pas y trouver

Des souris à sa suffisance.

Non qu'il y eût au
Flore, ou même aux
Deux-

Magots

Pénurie

De souris;

Mais elles n'aimaient pas les entretiens dévots.

Et les souris qui hantaient son église

Souris tristes à robes grises

Avaient fini par lasser notre chat.

Les justes sont bien décevants pour les apôtres.

A quoi les convertir ?
Leurs idées sont les vôtres.

Il rêvait d'arracher les autres au cha cha cha

Aux mégots, à la
Rhumerie :
Et de les transformer en enfants de
Marie.



Comment y parvenir dans sa robe de chat ?

Chanoine excite la méfiance ...

Il fallait entrer dans la danse,

Les amuser, leur plaire, après les convertir.

Il se déguisa en jeune homme,

Vêtu d'un pull-over vert pomme,

Se mit à boire et à sortir,

A traîner la nuit dans les boîtes...

En vain.
Il ne rendit nulle souris benoîte.

Il perdit son temps et ses pas.

Après un an d'affreux déboires,

Il comprit, regagna sa cure.

Hélas !
Il dut faire une cure

Et redoubler de dévotion.

A défaut d'une conversion

Il y avait gagné l'habitude de boire.



Pour convertir les demoiselles

Il faut être leur amant.

Si elles vous trouvent charmant,

Peut-être alors écoutent-elles,

Entre deux baisers, la leçon.

Et, pour faire plaisir à celui qu'elles aiment,

Elles deviennent d'elles-mêmes,

Saintes ou putains - selon.

L'amour pour le curé leur tient heu de sermon.