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Jean Anouilh



Le coq, les deux poules et l'ami - Fable


Fable / Poémes d'Jean Anouilh





Un coq avait deux poules - il avait un ami.
Longtemps il n'en avait eu qu'une :

Une belle poule brune,

Travailleuse, avec un jabot abondant.

Ce coq croyait au mariage...

Sur le tard, quand sa ménagère prit de l'âge,

Il lui adjoint une poulette à l'oil charmant,

Qui lui entretiendrait le feu de sa jeunesse.

C'était agir avec sagesse.

Et puis, chez les coqs : c'est permis.

Une femme sérieuse, une jeune, un ami;

Cet animal se crut paré.

Cette décision, fruit d'une longue étude,

L'assurait, pensait-il, contre la solitude

Qui guette les coqs qui se font âgés

Peu avant le temps de la casserole.

Celui-ci savait bien qu'au fourneau,



Bien-aimé, mal-aimé, laid, beau,

Il fallait aller solitaire...

Mais, pour ses derniers jours sur terre,

Notre naïf escomptait,

Grâce à sa femme, son ami et sa maîtresse,

Une atmosphère d'amitié et de tendresse...

Bien entendu, il se trompait;

Sinon comment faire une fable ?

La vie, d'abord, parut aimable.

La vieille poule, après quelques scènes de

principe,

S'aperçut que les nuits tranquilles avaient du bon.

Etre éveillée par les caprices du barbon

Avait depuis longtemps lassé sa vieille tripe.

Ce qu'elle aimait c'était gouverner la maison.

L'amour ?
Mon
Dieu, qu'elle était jeune et sotte

Du temps qu'elle avait cru aimer!...

D'ailleurs, laver les traces de ses crottes,

Veiller au grain, faire des enfants, les langer;

Que lui avait-il donc jamais demandé d'autre,

Sauf d'être prête lorsque l'envie lui prenait ?

Cette fille-là maintenant se chargerait
Du vieux paillard, lequel ferait le bon apôtre

Ayant un peu honte au début,

S'imaginant qu'elle souffrait d'être au rebut.

En fait, c'était tout avantage.

Il fallait d'abord marquer un grand froid,

Et se consacrer farouche au ménage.

Toute la maison allait marcher droit.



La poulette voyait tout autrement les choses.

Elle avait réussi à se faire épouser

C était pour prendre du bon temps et s'amuser.

Elle commanda des chemises roses,

Se fit offrir bague et sautoir.

Le vieux coq, qui gagnait à la garder câline,

Dut tirer de la naphtaline

Son smoking, sortir tous les soirs.

A faire le jeunot pour suivre la fillette

Il s'épuisa bientôt; car la vieille voulait,

Levée dès l'aube, frottant toujours, que le balai

Fît dès le matin place nette.

Sinon elle faisait la tête.

Puis au nom du foyer, de l'ordre et des enfants,

Elle entendait lui faire payer son bon temps.

Quant à l'ami, dont je n'ai pas encor parlé,

Est-il besoin seulement de le dire ?

Flattant la vieille dont il sut se faire l'allié,

Invité, gobergé, ayant le mot pour rire,

Arrangeant tout parfois, parfois jetant de l'huile

Sur le feu qui couvait,

Toujours là, se rendant utile,

Veillant aux caprices des dames;

Il tapa notre coq, un jour qu'il sanglotait

D'énervement dans son gilet,

D'une somme assez rondelette,

Puis coucha avec la poulette



Le premier soir qu'elle eut du vague à l'âme...

La femme, dès qu'elle l'apprit,

Trop heureuse, courut le dire au mari,

Qui -

Comme si cocu ce n'était pas assez -

Dut provoquer l'ami, se battre et fut blessé.

Le tenant dans son lit, bien à elle, la femme

Put l'abreuver de reproches et de tisane.
Au pauvre fiévreux elle en dit tout son soûl. (La poulette, entre-temps, craignant des

représailles
Avait levé le pied, emportant tout.)
Ce furent de secondes aigres épousailles,
Au bout desquelles, bien soigné -

Et parfaitement solitaire -
Entre sa femme et l'ami réconciliés,
Qui s'étaient endormis pendant qu'ils le

veillaient,
Le coq lassé laissa la terre.

Il est de bons amis, il est de bonnes femmes.

Il est des maîtresses aimantes.

Au lieu du petit étourneau,

Il eût pu trouver une amante

Qui l'eût poissé de baisers, de sanglots;

Et l'eût soûlé de sa grande âme :

«
Cher cour !
Cher corps !
Tu es à moi.

Je suis à toi.



Puisqu'aussi bien à travers toi, c'est moi que

j'aime... »

La fin de l'histoire eût été la même.

Seul comme notre coq chacun se trouvera;

Et s'il ne trahit pas, l'autre s'endormira.

Fait homme,
Dieu lui-même a perdu le courage...

Chacun veille et s'étonne au jardin d'oliviers.

Entre
Marthe, qui boude en faisant le ménage,

Et
Marie qui n'en finit pas

De sangloter d'amour en lui lavant les pieds,

Jésus, déjà, songe à
Judas.



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Jean Anouilh
(1910 - 1987)
 
  Jean Anouilh - Portrait  
 
Portrait de Jean Anouilh

Carrière

Formation

Biographie de jean anouilh

Jean Anouilh est né en 1910 à Bordeaux (France). Son père est tailleur et sa mère est musicienne et professeur de piano, elle joue dans un orchestre se produisant sur des scènes de casino en province.

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