Jean Auvray |
Le Temple de l'honneur superbe et glorieux Paraît haut élevé sur un mont dont la pente Aux courages rancis donne de l'épouvante, À ces aiglons bâtards qui n'osent tenir l'oil Immobile aux rayons d'un si brillant soleil. Cet effroyable mont inaccessible aux vices Est tout environne de mortels précipices, Le pied toujours battu de flots et de sablons, Et le chef secoué de grondants aquilons, Âpre, raide, épineux, où croît la mandragore, L'aconit, la ciguë et le noir hellébore, Où maint affreux buisson recèle dans son flanc La sifflante couleuvre et l'aspic fige-sang Que le sorcier effondre en grommelant ses charmes ; Deux pénibles sentiers, les lettres et les armes, Conduisent à ce Temple où ne montent légers Que ceux qui vont passant sur le ventre aux dangers, S'engraissent aux travaux, soleils infatigables, Oiseaux de paradis, athlètes indomptables, Qui ne se baignent point qu'en leurs tièdes sueurs, Et dont les passe-temps sont dedans les labeurs. Car ces beaux, ces douillets, ces frelons inutiles Qui vivent du labeur des abeilles fertiles, Bref ces âmes de flegme ' et ces courages bas, Les premiers au butin, les derniers au combat, Ne grimperont jamais sur ce mont honorable, Et jamais ne verront sur la paroi durable De ce Temple étoffé de marbre précieux Engraver leur image au même rang des dieux, Telles gens sont de terre, et leur âme grossière Mourant avec le corps est réduite en poussière. Mais, d'autant qu'en naissant notre ignorant esprit N'est qu'une carte blanche où n'y a rien d'écrit, Un jeune et souple osier qui comme on veut se plie, Une table d'attente, une planche polie, Une masure en friche où l'architecte peut Construire à peu de frais tel bâtiment qu'il veut, Qu'il laisserait aussi cette âge vagabonde Flotter à l'abandon sur l'océan du monde, Bientôt ferait naufrage, et dès le premier banc Ce mal conduit vaisseau se briserait le flanc, Ce ne serait jamais qu'un esprit rase-terre, Un lion en la paix, un lièvre en la guerre, Un malheureux aveugle, un galetas poudreux, Un stérile désert, un tronc infructueux. Car l'enfant n'est encor qu'un jeune sauvageau, Qu'une ente délicate, un fluet arbrisseau, Aussi prêt de sa mort qu'il est de sa naissance; La vanité, le vice, et l'aveugle ignorance, C'est le vent, c'est le ver, c'est le venin caché, Qui l'abat, qui le ronge, et qui le rend séché; Mais la verge, la voix, et la vertu du maître Le redresse, l'émonde, et donne être à son être. |
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Jean Auvray (1580 - 1630) |
Portrait de Jean Auvray |