Jean Bertaut |
O beaux cheveux dont la blondeur égale Celle du lin mêlé de filets d'or, O douce chaîne à mon âme fatale, Et de l'amour le plus rare trésor, Si tout lien vous était comparable, Qui vivrait libre, il vivrait misérable. Comme jadis la puissance invincible D'un grand héros en un poil consistait, Qui, lui rendant l'impossible possible, Les forts lions à ses pieds abattait, Ainsi l'amour tient de vous la puissance Qui des plus fiers lui soumet l'arrogance. O beaux cheveux, mille âmes amoureuses Que sans pitié captives vous tenez, En leur prison se tiendraient bienheureuses, Voyant leurs bras de vos nouds enchaînés ; Et plus leurs mains s'en trouveraient chargées, Plus leurs douleurs s'en verraient allégées. Mais la beauté dont les mains inhumaines N'usent de vous que pour prendre des cours, Extrêmement libérale de peines, Et plus encor avare de faveurs, Convertissant vos doux nouds en martyre, Plus vous refuse à qui plus vous désire. Que c'est qu'Amour ! que sa puissance est grande ! Et quels effets elle va produisant ! Le prisonnier une chaîne demande, Et le geôlier la lui va refusant : Tant l'un se tient assuré de sa prise, Tant l'autre a peur de revoir sa franchise. O doux liens qui captivez les ailes De mes désirs aux lacs de mon vainqueur, Arrêtez-les de chaînes éternelles, Et de cent nouds emprisonnez mon cour. Mais non, beaux lacs, vous n'en avez que faire : Pourquoi lier un captif volontaire ? Tant seulement faites-lui cette grâce, Vous qui prendriez les plus volants esprits, Qu'il puisse voir dans le noud qui l'enlace Son grand vainqueur Amour lui-même pris : Afin qu'au moins il s'éjouisse d'être En sa prison compagnon de son maître. |
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Jean Bertaut (1552 - 1611) |
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Portrait de Jean Bertaut | |||||||||