Jean Claude Renard |
Maintenant je veux m'embarquer pour un de ces pays étranges dont les animaux sont traqués... Je veux que leurs plantes me vengent des cultes qui m'ont envoûté et que des races inconnues me pénètrent de volupté puisque tant de nuits sont perdues. Il est, là-bas, des paradis qui savent oublier les mortes... Dis-moi le froid de ces pays où mûrissent des fleurs si fortes qu'on ne les touche qu'en dormant. Je prononcerai des magies qui remueront dans leurs ferments mon cour tendu de nostalgies. Tous les rites sont des sommeils qu'on prépare pour ces absences où sanglotent de grands soleils... Y trouverai-je mon enfance ? Les départs sont ensorcelants comme des femmes et des mages. Tant de pays ont l'air brûlants dans le crime amer des voyages : chaque soif y peut s'inventer... Quelle mer la plus ancienne reviendra toujours me hanter ? Même les péchés qui retiennent ne guériront jamais ce mal qui m'a pris des pays féroces où commettre mon sang natal et la cruauté d'autres noces... J'aurais tant aimé le malheur des pays qui n'ont pas de nom qu'il me faut mentir les pardons qui m'appelaient dans leurs rumeurs... Il n'y a plus de sortilèges assez purs pour nous délivrer : les pays sont morts dans la neige, les pays qu'on pouvait pleurer... Où sont-elles ensevelies, les îles des anciens rois, devant quels Christs en agonie s'épaississent-elles de froid ? Les enfants ont perdu leurs traces, les enfants qui sentent le sang ne reconnaissent plus ma race dans la peur des soirs innocents. Ces pays profonds sont des fautes dont mon corps reste empoisonné. Ô les pays frais que l'on m'ôte m'avaient-ils tant abandonné ? Il y vivait des couples calmes que les étrangers ont noyés, des arbres plus doux que des femmes et des secrets qu'ils ont tués... J'y savais des nuits si cruelles que leurs puretés m'écartèlent ! Tous les meurtres de leurs sorciers se sont changés en lunes noires qui descendent sur ces pays dont je n'use pas la mémoire tant ils sont chargés d'ennemis. Quand ces pays de maléfices ne seront plus que glacials je n'y regretterai qu'un vice dont ma haine même aura mal... Qui me rouvrira les prairies de ces pays très inconnus où mes bonheurs se sont perdus, où s'en va ma mélancolie ?... |
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Jean Claude Renard (1922 - 2002) |
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Portrait de Jean Claude Renard | |||||||||
BibliographieJean-Claude Renard (1922 - 2002) est un poète et écrivain prolifique français né à Toulon. Son ouvre, empreinte de mystères et de spiritualité, lui valut le Grand Prix de poésie de l'Académie française en 1988 et le Prix Goncourt de la poésie en 1991. Il fut l'un des collaborateurs des Éditions du Seuil et des Éditions Casterman. Il est également l'auteur de plusieurs essais. Il entra dans le mond Biographie |
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