Jean Claude Renard |
1 En ce pays bas de brûlures, De raisins braisés, d'enneigements Où l'on ne peut faire qu'exister La parole n'est pas possible. 2 Il y a des vents trop profonds A l'origine des choses. 3 Je remonterai des pertuis Où circulent l'eau paysanne Et de nuit, l'hiver, quand il lune Les bêtes des grandes forêts roses. 4 Sur la mort, Sur le sable où patientent le silence et l'absence, Hors des fouecs, dans le feu ténébreux, Devant la laine, l'arbre, Les oiseaux qui habitent les îles de limon instruites par quels fleuves, - Un langage commence. 5 La grange incendiée, Le mortier qui éclate aux murs de la maison sous les anciens platanes Et ces coqs enterres dans un champ de silex Ouvrent des brèches propices à l'oracle. 6 J'attends, En respirant comme un poulpe endormi. Que la rupture y forme une plaie assez vive pour se tendre vers l'être Et que le sang, irriguant les fougères et les oursins fossiles. Apporte le secret que nul vide qui veille ne renonce à connaître. 7 Une langue naissante et où je nais S'approche Qui aimante l'esprit. - Semblable en mes tourbières aux roses dévorantes. 8 Il s'établit dans l'oreille Un bruit d'oranges, - à l'ombre La verdure jointe et distincte de la phyllie et des branches, Puis dans les yeux nus la lumière qui déchiffre un toit, une amphore, une fontaine près du figuier. Révélant la vitre à la vitre Et le sourcier et le maçon sur les racines de la mer Par la fête pure de dire. 9 Ce soleil d'amont, Ces lavandes à l'aplomb des roches intérieures peintes d'enfants, d'aurochs et d'armes, Ou ce torrent dans les falaises avec la fourrure des loutres. La parole s'allie à leur initiation, Comblant l'absence, me nommant - Et ses présences incarnées font de moi leur preuve et leur proie. 10 Cela même dans mon désir Qui est identique et nouveau comme sur les collines l'air blanc, Je l'espère de l'âme mobile où se multiplie pour la chairLa saveur des cèpes grillés avec des feuilles de sarriette, Et prenant science de la pierre franche que la foudre d'août a frappée Je prononce la danse el la chasse qui furent premières dans les bois Quand les cerfs étaient rouges, - Le solstice déjà du temps et de la mort. 11 Pour l'exorcisme, l'avènemenl des signes et du pain Dans les hauts récits magnétiques qui présagent contre le meurtre. Sur la plaine que l'hiver sèche, L'abricot, l'olive, l'amande. Le rhum noir gèle autour des os. 12 Mais qu'au fond du langage S'éveille et se célèbre la parole de l'être Qui fonde les pluies saintes commencées dans le mythe Où la garrigue est verte El les puits se peuplent d'agneaux, de genèses au goût de cassis. 13 Les pins qui luisent dans la brume rassembleront leurs signifiances. Leur gisement en sa différence el ses noces Quand, sur Pécorcc où la résine écume comme un noyau de cristal pur, L'alchimie louchera le lait que le doigt touche Ou l'or juste avec l'autre image de l'or Et l'été - là. 14 Une voix se tient au verger, dans la paix des pêches humides, Fascinée par la prophétie, L'écriture intacte et natale qui n'annonce que l'espérance - Mais comme des cerises sous le givre, Une femme avec du gravier et du goémon sur les seins Ou l'auspicc d'un merle bleu, Et conduit plus loin le regard, Au-delà de toute mémoire, Vers une future merveille. 15 Est-ce plus bas. sous les dernières dalles. Dans l'acédie qui mine les cavernes de verre. Qu'il faut chercher l'aube vivante Pour qu'à l'instant où cessent les augures La parole étonnée de porter un mystère plus grand que la parole Se traduise en offrande? 16 Ces bois m'enseignent qu'une langue sacrée Peut faire naître la même et l'autre menthe Au bord de la rivière Si le matin, qui germe avec les mots, Marche à travers les prés. Parmi la transparence énigmatique et fraîche, Dans le son, dans le sens, dans la fulguration d'une fable de mains, Sous les jeunes marsaulls. Lavant le lin mêle à l'herbe et aux galets. 17 Puis il y aura peut-être une légende qui ne nommera plus le dieu pareillement Mais s'élèvera dans le soir, Sur les talus, Au milieu des vignes glacées. Pour parler encore aux enfances De la seule maison où mûrira le vin. |
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Jean Claude Renard (1922 - 2002) |
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Portrait de Jean Claude Renard | |||||||||
BibliographieJean-Claude Renard (1922 - 2002) est un poète et écrivain prolifique français né à Toulon. Son ouvre, empreinte de mystères et de spiritualité, lui valut le Grand Prix de poésie de l'Académie française en 1988 et le Prix Goncourt de la poésie en 1991. Il fut l'un des collaborateurs des Éditions du Seuil et des Éditions Casterman. Il est également l'auteur de plusieurs essais. Il entra dans le mond Biographie |
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