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Jean Claude Renard



Prose sur le mystère de la nuit - Poéme


Poéme / Poémes d'Jean Claude Renard





I



Père, ton
Nom me garde !
Car il y avait un
Silence.
Mais dans le
Silence un
Amour - un haut amour fabuleux.
Et il y avait un
Verbe dans l'amour : une
Parole.



Et il y eut une force pour la naissance des choses.
II y eut de l'or dans la nuit avant l'année de la mer.
Et il y eut tout à coup des îles sous la
Parole.
II y eut une terre comme une forêt prête à croître
Et des semences en elle livrées à leur mouvement
Pour que fasse fruil le sang dans la profondeur de l'hiver.
Et il y eut des enfances amères sur les argiles
Et dans les eaux - comme d'étranges morts métamorphosantes.
Et il y eut un mûrissement du monde jusqu'à l'homme.
Et il y eut soudain un mystère d'Esprit dans la chair.
Et il y eut un peuple dans la difficulté du monde.
Il y eut sous la neige un peuple avec sa faim et ses os
Comme une proie dans l'innocence terrible de la terre
A prendre le poids de sa cendre.
Et il y eut une chair
Habitée, et comme une racine de l'arbre vivant
Qui respira dans la chair.
Et tout un secret l'anima.
El il y eut une chair pour la connaissance du
Dieu.
Et il y eut lentement une science dans la chair
Plus intérieure que la chair - une vocation
Comme le blé fait pour le pain.
Et il y eut une source
Pour la naissance des fleuves.
Il y eut une coulée
Entre les pierres pour la fondation du pays blanc.
Et il y eut comme le sel un peuple pour féconder
Et signifier l'Histoire et donner été aux prémices
Dans l'or du
Dieu.
Il y eut une fertilité souffrante.
Une moelle en sang dans les mues et les violences du monde
Et la pesanteur native des os, - une moelle d'homme
Dans la longue saison obscure des maturations,
Les sueurs d'herbe du corps, - mais incantéc d'une huile pure,
Et prête pour le sacre par le pouvoir spirituel.
Et il y eut une parole prête à nommer la
Terre.
II y eut un homme fait avec la semence du
Dieu
Pour l'accomplissement de l'amour.
Et il y eut un peuple
Sur l'attente du monde pour les noces ou pour le refus.
Il y eut un homme dans la liberté intérieure
Planté entre le
Dieu et le sang comme un arbre tragique
Et divisé et ne comprenant pas ses eaux et son signe.
Et il y eut une liberté comme une glèbe à vignes
Qui ne connut plus son sens et son déchirement fertile.



El il y eut une race comme une oreille éclatée
Qui n'opéra plus son passage et ses transmutations
Pour que lève l'Homme d'Ëdeh - l'Homme exact, l'Homme du
Dieu
Et muant le monde avec lui.
Et il y eut une nuit
Dans la chair.
Il y eut un peuple comme une plaie ouverte
Aux promptes puissances de la nuit, toute une corruption
Pour que perde sève et substance et rompe l'être de l'Être
El dans la terrible raréfaction qui vient du
Sud
Ne germent pas l'anis et la rose.
Et il y eut une race
Scellée pour le feuillage et la fécondation solaire
Qui s'avança dans la
Mort en se retirant de l'Amour.
El il y eut un verger qui ne recul pas sa semence.
Et il y eut dans le sang l'amère odeur mémoriale
D'un paradis qui ne prit pas racine.
Et ce fut l'absence
Sur la
Terre.
Et une mort et un péché sur toute chair
Et toute chose.
Et ce furent comme de grandes eaux noires
D'une lune à l'autre du monde.
Et il y eut une tour
Foudroyée.
Il y eut une solitude de colère
Sur les villes de l'homme - et une langue froide et stérile
Comme les champs de
Madian devant les paupières du
Dieu.
Et la mauvaise mort se fit plus profonde dans la chair
Et elle sépara sang et os de l'homme intérieur.
Et il y eut un peuple qui n'eut plus pouvoir sur la terre
Et toute une terre aulour de lui plus lourde et plus épaisse.
Et il y eut en elle une menace de mains anciennes
El d'effrayantes forêts désertes d'au-delà des arbres.
Et non pas un homme altéré dans sa moelle originelle.
Un homme changé devant l'homme, - mais entré en ténèbres
El détournant ses eaux et déviant l'Histoire avec elles
Des hautes prairies de la mer.
Et il y eut une année
De malheur en lui. une lente année d'années vénéneuses
Qui descendit du peuple sur la légende de la
Terre.
Il y eut un souffle du
Dieu à l'extérieur du
Dieu,
Une ressemblance rompue, un nom vivant immobile. Il y eut un peuple fait pour l'architecture du monde
Qui étendit sur lui la
Mort, - un homme mû pour la joie
Qui fil dans la
Parole lever comme une solitude
Et une étrange douleur et un grand désir de silence.

Et il y eut une race qui enfanta le
Déluge

Comme tout à coup un exil d'où nul ne sait qui revient...



Ô que maintenant et jusqu'à la fin et comme un taureau
Il y ait un homme à lever en
Dieu sa corne vivante.
Un homme d'été qui se tienne en
Christ et tienne le
Chrisi
Comme un bouclier et comme une épée contre la colère!
Et de pierre en pierre ainsi qu'une ville unie et féconde
Il y ait en terre une chair qui croisse au milieu du
Christ.
Une chair par lui capable pour lui de ne pas dormir.
De veiller encor jusque dans la nuit où la met le monde.
D'espérer encore être transmuée par l'unique amour
Jusque dans ce mal et ce désespoir dont elle est la proie !
Et qu'elle soit teinte et soit reconnue dans les os sur l'arbre!
Et qu'elle s'attable au seul corps pascal !
El qu'elle mûrisse
Même en demeurant marquée comme lui des plaies de la mort

Que le
Fils de l'Homme a pour assumer tout le sang du monde

Laissées s'enfoncer et se consommer dans sa propre chair.
Et pour tout offrir n'a pas effacées de sa gloire même !
Ah ! que dans la glaise où fument déjà les feuilles féroces
Formées des fragments et de l'éclat noir des forces cosmiques,

Des métaux mués en semence d'homme étrange et mourant,

Soit gardé vivant pour le sacrifice et pour la sagesse

Un peuple planté même en agonie dans la paix du
Dieu !

Et même aux saisons qui tueraient les coqs et les anémones

D'une race entrée dans l'envoûtement des mauvaises neiges

Et soudain livrée aux buffles anciens des fables du sang.

Des pays brûlés. - il y ait encor jusqu'au dernier jour

Un dernier amour lié à la mer comme un dernier pin

Où puisse être prise et ressuscitée toute la forêt !

(Extraits)

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Jean Claude Renard
(1922 - 2002)
 
  Jean Claude Renard  - Portrait  
 
Portrait de Jean Claude Renard

Bibliographie

Jean-Claude Renard (1922 - 2002) est un poète et écrivain prolifique français né à Toulon. Son ouvre, empreinte de mystères et de spiritualité, lui valut le Grand Prix de poésie de l'Académie française en 1988 et le Prix Goncourt de la poésie en 1991. Il fut l'un des collaborateurs des Éditions du Seuil et des Éditions Casterman. Il est également l'auteur de plusieurs essais. Il entra dans le mond

Biographie


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