Jean Godard |
Vous qui voulez savoir que ' c'est que de l'amour, Je le vous vais ici tout maintenant décrire. C'est un vrai doux amer, c'est un triste sourire; C'est l'aigle du Caucase et le bourreau vautour. C'est sans cesse espérer et craindre tour à tour; C'est plaindre son malheur et se plaire au martyre; C'est sans cesse louer, c'est sans cesse médire; C'est être bien dispos étant pesant et lourd. C'est un comble de bien talonné de tristesse; C'est faire de son cour la peine et joie hôtesse; C'est faire deux soleils ainsi comme un Penthé. C'est un heur malheureux, c'est languir sans envie; C'est être de son ombre à tort épouvanté; C'est une mort vivante, et une morte vie. Le ciel est bien cruel de faire les uns naître Monarques souverains, princes et empereurs, Les autres artisans, vignerons, laboureurs, Et bergers qui aux champs mènent les brebis paître. Car il advient souvent que celui qui est maître Mériterait tenir le rang des serviteurs, Dont quelques-uns qui vont se tuant de labeurs Pour leur gentil esprit mériteraient mieux être. Il est vrai qu'à la fin tout meurt également. Le monde est un théâtre, où fortuitement Chacun comme il lui vient joue son personnage. Celui-ci fait le roi, celui-là fait le gueux; Mais moi, je fais toujours à mon dam et dommage Le poète indigent et l'amant langoureux. |
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Jean Godard (1564 - 1630) |
Portrait de Jean Godard |