Jean Malrieu |
Puisque nous sommes mortels, Puisqu'en nous, déjà, cheminent Les ombres et que le temps montant Comme un gravier s'éboule, Puisque s'élancent à la course D'autres soleils, En nous, pour publier l'instant accompli. Avec les mots et les choses qui les portent Dans la plus grande attention, la nudité De l'âme quand elle s'éveille avant le jour. Nous choisissons le témoignage. Car nous sommes responsables. Non de ce que nous avons fait. Mais des promesses non tenues. Ce n'est point de ne point avoir fait le mal. Les mains quittes ne sont jamais pures. Il faut les avoir noires de terre, Saisies en leur travail, armées. Il fallait toujours parfaire. L'ordre du monde le demande. C'est par les rêves tenus Que se fait notre alliance. Je n'ai pas assez aimé. Sur le seuil avec beaucoup d'ombre dans le dos Je n'en finis pas de regarder une rose. C'est la dernière de l'été. Ma mère aimait cette chanson. Il est resté quelque chose d'elle dans l'automne Comme «Soyez heureux» ou «Amitié d'un convive absent». Je n'en finis pas de poser comme sur une photographie Avec un chien à mes pieds. On reconnaît le pied de vigne, le géranium. L'entaille au cour qui marque la saison Comme autrefois lorsque nous grandissions Ces dates et ces traits cernant nos tailles juvéniles. Je n'en finis pas de poser pour retrouver un jour d'hiver Ce qui fait vivre éternellement ce qui dure peu : Le pas du voisin sur la route, le chant de l'électrophone Qui part du cour de l'été blessé Et dans les marges de ce soir blanc s'approchent Les phalènes, les champs lunaires indivis, La paix descendue du haut des peupleraies, Brusque présence Qui fait taire pour un instant Toutes les bêtes de la nuit |
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Jean Malrieu (1915 - 1976) |
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Portrait de Jean Malrieu | |||||||||