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Jean Marcenac



Le coup de grâce - Poéme


Poéme / Poémes d'Jean Marcenac





C'est moi
Seigneur
J'ai les bras étendus
Comme quelqu'un qui ne croît pas
Qui ne croît guère



Comme quelqu'un qui n'était pas fait pour la croix
C'est moi
Seigneur qui ne sais aucune prière
Moi qui ai dû tomber pour me mettre à genoux



C'est moi
Seigneur
Haletant sous cette misère

Ce grand poids de misère utile

Utile
Inutile
Je ne sais pas

Un grand vent sur la place vide

La place où nous dansions l'été
C'était une place nommée
Place de la
Raison

Nous y dansions le cour léger

Car la raison elle-même est légère

La danse d'aujourd'hui est lourde comme notre peine

Mais c'est une danse quand même

La danse d'une étoile dans la nuit



C'est moi
Seigneur
Pourquoi aije parlé ainsi
Je ne vous aime pourtant pas
Je n'ai aucune envie de vous



je suis devant vous comme devant cette femme qui est

morte
Que j'ai aimée par-dessus tout et que pourtant je n'ai

jamais aimée

Je ne vous aime pas
Seigneur
Je viens à vous d'un air

mauvais
Un air mauvais comme l'air de ces mauvais jours
De ces jours de fièvre et de glace



À coups de pioche dans le malheur

Qu'il s'écroule ce désespoir de sable

Et qu'il tombe par blocs aussi gros que nos cours

C'est le désespoir
Je ne l'avais jamais regardé en face

J'ignorais ce visage que j'ai aujourd'hui dans la glace

C'est pourtant vrai que je suis prisonnier

C'est pourtant vrai qu'il n'y a rien à faire

C'est pourtant vrai que nous sommes désespérés

Et cette nuit aux yeux ouverts

C'est pourtant vrai

C'est pourtant vrai que nous sommes loin de tout et de

nous-mêmes
Que nous sommes au heu où vous seul vous trouvez
Et nous buvons l'air noir où vous seul pouvez vivre

Seigneur
C'est pourtant vrai.

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Jean Marcenac
(1913 - 1984)
Portrait de Jean Marcenac
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