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Jean Métellus



Rires et larmes d'un enfant noir - Poéme


Poéme / Poémes d'Jean Métellus





Un enfant noir contre la nature a mille ressources, dans sa lutte contre les saisons plus d'un atout, dans sa façon d'aspirer toute la vie qui naît du majestueux soleil, de tous les rocs polaires, une force, une joie, un appétit, une coquetterie qui fait pâlir la lionne fantaisie de la forêt abritant de frêles arbres.

L'enfant noir crie quand vient tomber sur sa peau douce et pure comme l'eau de source que les rocs ont filtrée le jour qu'un horloger avare distribue en compte-gouttes.

L'enfant noir crie et demande que son corps, le diamant de sa peau qui illumine ses nuits se substitue au soleil inconstant.

L'enfant noir demande que sa peau plus riche qu'un ciel de fête de Noël prenne la direction d'un monde en ténèbre par la fumée qui monte des couches de l'or.

C'est pour cela que de tout temps rit l'enfant noir.

C'est l'argument de son sourire, la source inépuisable de la plus grande bonté, quelque chose qui ressemble à la racine même de la vie. Ni vouloir de dominateur. Ni soin calculé de charmé. Ni stupide besoin d'amuser.

L'enfant noir rit avec ses pores au moment où s'annonce l'aurore.



L'enfant noir offre ses cheveux à l'aube qui égrène chaque matin un jour nouveau sur tous les peuples.

Et l'aube est désarmée car les cheveux d'un enfant noir sont un chapelet interminable. C'est le miroir des jours qui naissent indéfiniment, interminablement.

Les cheveux de l'enfant noir, c'est le matin qu'ils sont beaux quand le songe les a arrimés comme des grains de poivre l'un à côté de l'autre

C'est un présent du plus insoutenable soleil

Les cheveux de l'enfant noir ont eu la confidence des temps

Mais l'enfant noir pleure

parce que le jour épuise comme un ennemi parce que la faim met à l'épreuve tous ses sens

innocents parce qu'un besoin court-circuité devient monstrueux dans un songe et ressurgit plus impérieux le matin parce que le pain du matin jusqu'au soir n'est pas

rentré dans la maison parce que les huissiers ont sommé son père de

déloger parce que l'instituteur l'a fouetté pour une leçon oubliée sous l'empire de la faim Et puis ses camarades ont ri de la plante de ses pieds, les semelles ont cédé avant la fin de l'année

Et puis ses lèvres sont blanches car depuis le matin elles n'ont reçu que de l'eau pour l'office de ses dents Et puis l'enfant a transpiré toute la nuit et ses genoux sont faibles

L'année s'écoulera

Un autre Noël viendra sans surprise sans cadeau

Et la fête des Saints-Innocents aussi

Et le premier jour de l'an aussi



Mais la maison n'est toujours pas payée Et les banquiers sont impatients

Et l'enfant noir en sortant de l'école s'arrête devant les vitrines, regarde les jouets, et les narines rappellent le souvenir d'un nouvel an, rappellent un plat préparé par la mère, la mère infatigable, la seule magie de la maison, la mère qui fait réciter les leçons avant de prendre sa bible pour implorer la grâce, la mère exemplaire, la mère invaincue, la mère qui tient tête à toutes les saisons aux monstres des banques, aux lois des tribunaux

Et cette mère apprend à l'enfant l'oubli des soucis

le secret de toute force

Elle apprend aussi à l'enfant à désirer en tout temps la puissance

Cette mère s'est installée dans son enfant pour boire ses larmes, pour lui apprendre à rire, à désirer invinciblement

Et puis à l'enfant elle a dit : Deux ruisseaux sur mes joues sont creusés le long de mes narines pour pleurer à ta place et je te lègue toute ma force de rire pour l'avenir

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Jean Métellus
(1937 - ?)
 
  Jean Métellus - Portrait  
 
Portrait de Jean Métellus
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