Jean Orizet |
La pluie battante effarouchait les écureuils, mais réjouissait la troupe des mouettes surveillée par trois cormorans graves autant qu'immobiles sur un roc émergé. Chez ces grands oiseaux, c'était la fête aux moules, ouvertes à coups de bec ou larguées d'en haut pour éclater sur la digue. Les témoins de ce déluge dominical se consolèrent en vidant deux bouteilles de madère 1830 qu' il fallut filtrer quatre fois, tant le dépôt était en suspension. Vers six heures du soir, le ciel, enfin, s'éclaircit, et le soleil dora les ventres blancs des volatiles. Un voilier coupa l'horizon. Le plus fort des huit chênes, devant la maison, supporte une balançoire immobile ; ce matin encore, elle oscillait sous les claques du vent. L'enfant qui aimait cette balançoire est mort. Son père, aux moments de solitude, tente d'oublier son chagrin en tuant quelques-uns de ces écureuils gris dont il garde, trophées dérisoires, le panache des queues. La mer monte, ride à ride. Sur leur étroite langue de sable, les mouettes se font bavardes. Disparus les cormorans. Dans la maison, concerto pour violon et orchestre de Mendelssohn. On dînera de côtelettes d'agneau, lentement décongelées. De l'autre côté de la baie, New York affûte ses assassins. |
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Jean Orizet (1937 - ?) |
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Portrait de Jean Orizet | |||||||||
OuvresAprès avoir pratiqué le métier de journaliste, Jean Orizet devient le cofondateur, en 1969, de la revue Poésie 1 et travaille comme éditeur aux éditions du Cherche-midi. Ecrivain, voyageur et humaniste, ses textes, dont 'L' Attrapeur de rêves' ou 'La Cendre et l'étoile', lui permettent de figurer au rang des poètes les plus importants de sa génération. |
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