Jean Orizet |
Il pensait: « les étoiles sont les balises de la nuit. Elles gouvernent le regard pour mieux alimenter le rêve mais se plaisent en leur désert » Et s'il s'agissait d'autre chose? Si leur éclat signifiait refus d'être laissées à elles-mêmes volonté d'être avec nous en dépit des années-lumière chaque fois que revient le jour La faim leur agrandit les yeux prêts à quitter un corps trop faible Ils regardent venir en face une mort encore au berceau Quel absurde destin commun par-delà tant de millénaires fit mourir ces enfants frêles victimes de l'Histoire comme mouraient d'inanition mais pour de toutes autres raisons les grands monstres d'avant l'Histoire Migration d'oiseaux selon des calendriers aberrants pour l'ornithologue Ont-ils réinventé un temps connu d'eux seuls? Petit mammouth blotti dans un glacier son oil vert clignote à chaque chant d'oiseau Au millimètre de chaleur il avance Voici la tête qui acclame un monde autour d'elle bâti de filets de barbelés de geôles que la tête ne voit jamais par vigilance de nuages Voici la tête qu'on acclame à coups de slogans dictés que la tête n'entend jamais par innocence de mirages Voici la tête et sa casquette faites pour mourir l'une par l'autre Ils abordèrent sur cette île fragment d'un pays très ancien pour lui voler son visage Ce que, tout au long des siècles avaient respecté pirates, boucaniers devint orgie de prédateurs Et l'île commença de mourir en poussière Vues d'avion les plaines picardes font apparaître le tracé de villas gallo-romaines noyées sous la glaise des champs et sur le même territoire se superpose le réseau des tranchées de la Première Guerre mondiale Étranges croisements d'une Histoire dont la terre digère mal les siècles d'alternance entre calme et violence Le microbe a du goût pour l'étoile il se dérobe au microscope et sait flouer l'anticorps Combien de douces maladies saura-t-il inventer encore? Quand l'avion explosa il y eut au moins un oiseau pour croire à la fin du monde Le vert de l'été contient en impuissance le jaune de l'automne La bûche de bois coupé ressemble étrangement à la fumée du souvenir Orages magnétiques dévoreurs de bateaux dans le triangle des Bermudes Contrebandiers d'opium avalés par le triangle d'or Pirates de la mer de Chine aux jonques volatilisées La mort aventurière a toujours les dents longues Le ver est dans le fruit il y sculpte son monde mais lorsque le fruit tombe tout ver l'a déserté Les petits mondes s'affrontaient de la fumée plein leurs griffes Et si la guerre était intacte le vainqueur n'avait plus de dents Pour mieux coller à son siècle il s'invente une prison moderne digne d'un bloc opératoire où toute solitude est bannie: l'esquisse du moindre geste la plus secrète pensée tombent sous le coup d'un oil électronique En somme: le regard de Dieu Moyennant un tout petit crime fut-il tourné contre lui-même sa vie serait si belle à l'intérieur Il est des pays terribles où la plupart des habitants ont à la place du visage une cible Le bouf n'a pas souffert d'être écorché la souris fut disséquée après anesthésie Entre la couveuse et le four électrique le poulet ne s'est aperçu de rien Le poireau, lui, n'a pas d'âme on peut donc en faire du bouillon impunément Chant matinal du coq étouffé par la stridence des réacteurs En plaine, le blé lève dans un halo de kérosène Vers Singapour ou Ceylan s'envolent les gros porteurs pour un tourisme forfaitaire « Cette année, on a fait l'Asie » Des statuettes de bouddhas rigolards fabriqués à la chaîne pourront en témoigner sur les buffets des crémeries Bach, Vivaldi, Brassens, Mozart descendus dans le métro font recette aux heures de pointe Leur musique adoucit les mours jusqu'à l'heure où les baladins jaloux commencent à jouer du couteau pour défendre leur territoire Maintenant après un assassinat on revendique comme dans les syndicats Chaque jour meurent des architectures sous le poids d'immondes matériaux L'écorce hérissée de verrues oublie son teint de jeune fille Ariane ma sour... A peine sortie du berceau, la fusée fit une fugue avec son satellite. Ensemble ils voulurent escorter les vautours et les aigles, faire la chasse aux étoiles filantes, jouer à cache-cache avec les arcs-en-ciel Un technicien les rappela à l'ordre de son écran de contrôle. Le satellite écervelé dut renoncer aux galaxies pour transmettre d'ineptes programmes et sa fusée porteuse se désintégra chez les poissons Une élégante étincelle devint un jour l'amie d'un robuste baril de poudre Ils vécurent heureux longtemps mais fort dangereusement Le diamant est une valeur refuge Si vous parvenez à vous nicher à l'intérieur vous ne risquerez plus rien: Le diamant est éternel |
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Jean Orizet (1937 - ?) |
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Portrait de Jean Orizet | |||||||||
OuvresAprès avoir pratiqué le métier de journaliste, Jean Orizet devient le cofondateur, en 1969, de la revue Poésie 1 et travaille comme éditeur aux éditions du Cherche-midi. Ecrivain, voyageur et humaniste, ses textes, dont 'L' Attrapeur de rêves' ou 'La Cendre et l'étoile', lui permettent de figurer au rang des poètes les plus importants de sa génération. |
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