Jean Orizet |
Année Zéro. Hurlant sur une banquise encore saignante, l'homme cherche sa couronne de soleil. Tandis que le grès tiédit, l'enfer prend la forme du premier cercle. Au-delà des paupières de lave, sécher les flèches cathédrales. Rêver la peur. Hélices d'une étrave immobile, les frondes poussent le cheval vers un palimpseste de tibias éclatés, d'ivoires sans bouches. Sous roche, les mains deviennent ces parois magiques où chaque silhouette gomme un lambeau de nuit. Inventés, les dieux mangeurs de gui. Adorées les étoiles que le sang désaltère. Contre l'inconnu de l'éclipsé, voici qu'une future prison surgit sous les doigts du tam-tam. Puis l'éclair, puis le buffle, rythment ce buisson d'instincts. Aux lames nées d'un cataclysme l'homme, héritier des arbres, affûte la terre langage, hésite devant les signes croisés qui transpercent le temps, et déchiffre, ébloui, l'énigme sur ses lèvres. Maintenant la vision grandit mais vers quel pôle: cytoplasme ou planète larme ou pluie d'aérolithes? Mécanique céleste en route pour l'opacité dans une orchestration de couleurs vénéneuses. Tracés de villes pétries dans l'ocre. Pyramides - boussoles de la mémoire. Horlogère, une civilisation ajuste sa puissance, étalonne la magie de l'or, et meurt empoisonnée par le plomb de ses aqueducs autant que par ses lances étouffées sous l'écaillé. Longtemps, déluge polychrome. Séchés, les temples d'os payent tribut aux astres. A soutenir un ciel vide leurs colonnes ont tari. Quand l'hémorragie marine investit le désert des socles, les dieux sombrent moutons. Et le fer avale d'un coup les fleurs sans mâchoires: alliage pour mouvoir un monde qui doit remodeler ses masques, de nouveaux démons voulant se glisser entre le visage et le masque. Toccata nucléaire en mémoire de l'eau, montée chromatique essoufflant le cour des anges. Nous baignons dans leur sexe inexistant peut-être, voué aux explosions en chaîne ou déjà durci noyau. Élucider, afin de la combattre, toute explosion moins précieuse à la nuit. Fête pour cerveaux-carton craquelés dans les bals dominateurs d'empires, dont la cire, au matin, oxyde le flambeau. Les grands porteurs de germes consacrent une église nouvelle où le plomb des vitraux devient cet or qui coule entre cuisses d'autoroutes, vers un musée aux précieuses menstrues. A l'intérieur, les circuits intégrés pullulent sur chaque neurone où se titille le bonheur. Enfin, la vie sait programmer la mort. L'homme, plus assuré, divague entre les éveils Microbe à des années-lumière de lui-même, il immunise l'espace-temps mieux que toute existence. Mais revienne l'année zéro pourra-t-il rajeunir l'oubli? |
Contact - Membres - Conditions d'utilisation
© WikiPoemes - Droits de reproduction et de diffusion réservés.
Jean Orizet (1937 - ?) |
|||||||||
|
|||||||||
Portrait de Jean Orizet | |||||||||
OuvresAprès avoir pratiqué le métier de journaliste, Jean Orizet devient le cofondateur, en 1969, de la revue Poésie 1 et travaille comme éditeur aux éditions du Cherche-midi. Ecrivain, voyageur et humaniste, ses textes, dont 'L' Attrapeur de rêves' ou 'La Cendre et l'étoile', lui permettent de figurer au rang des poètes les plus importants de sa génération. |
|||||||||