Jean Orizet |
Arc-bouté sur sa perche, à l'avant de la pirogue, celui dont le grand-père était encore un guerrier dayak aux lobes d'oreille distendus par des anneaux massifs de cuivre, d'os ou de corne. Pagne autour des reins, splendide musculature. A l'arrière de la pirogue, celle dont la grand-mère tressait des paniers de lianes pour y conserver la tête coupée de l'ennemi tribal. Les traits sont fins, l'oil à peine bridé, cheveux noirs tirés sur la nuque, poitrine ferme et nue. Elle aussi actionne une perche qui seconde l'effort de son compagnon: remonter le courant, franchir de petits rapides, porter même l'embarcation, faite d'un tronc évidé, quand la rivière devient guéable. Un léger sourir7e, en permanence, ourle ses lèvres. Quelques perles de sueur scintillent à la naissance des seins. Entre ces deux êtres, la connivence est totalement silencieuse. Parfois, il lui désigne un point sur la rive aux lourds entrelacs végétaux; le regard de la femme suit et acquiesce; ensemble, ils ont vu l'invisible, identifié ce qui, pour d'autres, restera ignoré: l'oiseau, le fruit, le serpent, l'arbre. Ainsi pendant des heures, en plein cour de la jungle, dans un murmure doré de gouttelettes, l'homme et sa compagne amènent lentement le voyageur à leur source, qu'il lui faudra faire sienne, au terme du parcours, en avançant dans la pénombre de leur « longue maison » suspendue entre terre et ciel, originel au revoir tissé de bambous et de palmes. |
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Jean Orizet (1937 - ?) |
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Portrait de Jean Orizet | |||||||||
OuvresAprès avoir pratiqué le métier de journaliste, Jean Orizet devient le cofondateur, en 1969, de la revue Poésie 1 et travaille comme éditeur aux éditions du Cherche-midi. Ecrivain, voyageur et humaniste, ses textes, dont 'L' Attrapeur de rêves' ou 'La Cendre et l'étoile', lui permettent de figurer au rang des poètes les plus importants de sa génération. |
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