Jean Ristat |
(extraits) I Écriture rends-nous la mémoire avant que L'oubli n'enfouisse nos songes comme dans Un jardin abandonné le tohu-bohu Des lilas et des herbes mouillées où se bousculent Des odeurs je pense à toi ami maintenant Que la rumeur t'a enseveli je Me retrouve seul dans l'attente des roses Que tu aimais égorger avec des ciseaux D'argent Ô comme le temps me manque au milieu De la rie comme au bord d'une tombe à qui Parlé-je donc devant ce miroir brisé Ô J'ai avalé les ombres et leurs flammes de cendre J'appelle au secours les morts me répondent comme En écho et les vivants ne m'entendent pas Charognards regardez j'ai un trou dans le cour Une étoile y est tombée un soir de Noël Creusant un cratère où le feu a la couleur Du sang. II C'était dans la nuit du vingt et trois au vingt et Quatre en décembre avant que le jour ne se rende À la ténèbre dans la chambre aux volets clos Depuis combien de jours obstiné gardais-tu Les yeux fermés semblait-il sourd à nos paroles Des femmes te veillaient attentives et douces à Tes lèvres un jeune homme presqu'un enfant encor Tout l'après-midi avait cherché sur ton corps Des veines enfouies comme des violettes Dans un miroir où l'ombre flamboie le cour À ton poignet ne tresse plus de collier Ô vagues comme des perles une à une chues Et ma main dans ta main je t'appelle et ma bouche Contre ton oreille je veux te retenir Ne t'en va pas ne t'en va pas reviens vers nous Egarés comme des enfants dans la forêt Des ombres aiguisées comme des couteaux O père à qui toute parole est refusée Quel roc dans ta gorge retient le souffle qui Porte les mots quel enchantement nous dérobe À ta vue déjà les jambes bleuissent et Le ventre alors elles se sont penchées vers Toi dans la clarté des lampes baissées mais Rien n'y faisait pas même la tendre prière De chasser l'intrus dans ta poitrine et tes vains Efforts ponctués par les sourcils comme des Virgules c'est la fin murmura-t-elle en se Retirant alors je me suis agenouillé Comme le passeur je t'ai pris par la main et Je me suis nommé ami et nous ne savions Plus à quelle rive tu nous attendais ni S'il fallait encore espérer te rejoindre et Nous nous regardâmes sans oser nommer ce La qui allait venir Ô j'ai dans les yeux soudain Lorsque je me retournai cette suspension De la respiration ce halètement Interrompu le silence enfin de l'éclair Et l'attente de la foudre qui allait te Rendre à tes habits d'opéra Ô mon ami Farouche te voilà terrassé et son pied Sur ta bouche elle te brise arrache la langue Libère les vents turbulents qui t'habitaient Alors la terreur nous jeta contre le mur Et tremblant j'ai entendu ce courant d'air rompre Tes os t'abattre par deux fois comme un volcan Crache les haleines de feu qui obscurcissent Le soleil et les pestilences qui dorment dans Le ventre des nuages par deux fois j'ai vu L'antre de la mort se refermer sur ta gorge Aux battements d'oiseau blessé mordue. III Alors elles t'habillèrent en grande hâte et Je ne te voyais plus miroir éclaté corps Livré à la charogne dont les plaies suintaient Comme un mur de salpêtre après la chute des Astres sur ta peau marqués comme au bagnard La lettre rougie cratère où le Sang sèche à la commissure des lèvres O Voici la longue patience de la nuit Les draps défaits du ciel et le désordre des Étoiles renversées comme un jeu de quilles Les tiroirs éventrés et les livres ouverts les Chasseurs de trésor et les pilleurs d'épaves O Comme le temps me manque pour vaincre l'oubli Maintenant que dans mes mains le feu s'éteint im Mobile IV Et comme elles s'affairaient autour de toi je Fermai la porte de la chambre derrière elles J'entrai dans la cuisine je m'assis je me Levai je bus je marchai dans l'appartement Il soufflait dans ma gorge un grand vent de sable et Je hâtais le pas traversant les pièces puis Elles m'appelèrent à voix basse O te voici Paré de noir et de blanc le cou offert à La signature d'une cravate que je Nouai O comme tu es calme et beau dans le Silence du sommeil et comme ta peau est Douce O vase pourquoi craignais-je alors de te Briser O cygne aux ailes couchées sur Les draps comme des nuées O corps découpé Dans l'ombre comme je t'appelais tu ne me Répondis pas comme je baisais tes lèvres O Tu ne tressaillis point miroir de suie où les Larmes comme des corbeaux sur le ciel d'hiver S'effacent. |
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Jean Ristat (1943 - ?) |
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