Jean Stanislas de Boufflers |
Le cour est tout, disent les femmes, Sans le cour point d'amour, sans lui point de bonheur : Le cour seul est vaincu, le cour seul est vainqueur. Mais qu'est-ce qu'entendent ces dames En nous parlant toujours du cour ? En y pensant beaucoup, je me suis mis en tête Que du sens littéral elles font peu de cas. Et qu'on est convenu de prendre un mot honnête Au lieu d'un mot qui ne l'est pas. Sur le lien des cours en vain Platon raisonne, Platon se perd tout seul et n'égare personne ; Raisonner sur l'amour, c'est perdre la raison ; Et, dans cet art charmant, la meilleure leçon, C'est la nature qui la donne. À bon droit nous la bénissons. Pour nous avoir formé des cours de deux façons ; Car que deviendraient les familles, Si les cours des jeunes garçons Étaient faits comme ceux des filles ? Avec variété nature les moula. Afin que tout le monde en trouvât à sa guise : Prince, manant, abbé, nonne, reine, marquise, Celui qui dit sanctus, celui qui crie allah! Le bonze, le rabbin, le carme, la sour grise. Tous reçurent un cour, aucun ne s'en tint là. C'est peu d'avoir chacun le nôtre, Nous en cherchons partout un autre. Nature, en fait de cours, se prête à tous les goûts ; J'en ai vu de toutes les formes, Grands, petits, minces, gros, médiocres, énormes; Mesdames et messieurs, comment les voulez-vous? On fait partout d'un cour tout ce qu'on en veut faire; On le prend, on le donne, on l'achète, on le vend; s élève, il s'abaisse, il s'ouvre, il se resserre ; C'est un merveilleux instrument : J'en jouais bien dans ma jeunesse; Moins bien pourtant que ma maîtresse. Ô vous ! qui cherchez le bonheur, Sachez tirer parti d'un cour. Un cour est bon à tout, partout on s'en amuse ; Mais à ce joli petit jeu, Au bout de quelque temps, il s'use. Et chacune et chacun finissent, en tout lieu. Par en avoir trop ou trop peu. Ainsi, comme un franc hérétique. Je médisais du Dieu de la terre et du ciel. En amour j'étais tout physique; C'est bien un point essentiel. Mais ce n'est pas le point unique. Il est mille façons d'aimer; Et ce qui prouve mon système, C'est que la bergère que j'aime En a mille de me charmer : Si, de ces mille, ma bergère. Par un mouvement généreux. M'en cédait une pour lui plaire, Nous y gagnerions tous les deux. |
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Jean Stanislas de Boufflers (1738 - 1815) |
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Portrait de Jean Stanislas de Boufflers | |||||||||