Jean-François de Bastide |
Regards charmants de ma maîtresse ! Soupirs, transports, inexprimable ardeur ! Voluptueux silence, et langage enchanteur! Quoique présents à ma mémoire, Je ne puis vous rendre, à mon gré. On ne peint point la volupté : Après tant de plaisir, ce serait trop de gloire ; Le bonheur d'un mortel doit être limité. Toi dont l'esprit égale la beauté, Tu concevras mon impuissance! Puisque les dieux, par leur sévérité, Nous privent d'une jouissance. Remplaçons-la par l'espérance De n'oublier jamais notre félicité. Tous les plaisirs de ce monde volage Ne valent pas un sentiment du cour ; L'illusion n'est jamais qu'un malheur; Le véritable amour est un plus doux partage. S'il s'affaiblit, il devient de l'estime ; Le cour à cent plaisirs est encor disposé. D'un monde faux dont l'art est la maxime, Que reste-t-il, quand cet art ' est usé ? On définit, et l'on regrette. La vanité déchire le bandeau; Avec dépit on pense à la rettaite ; On y trouve un chagrin nouveau... Nous jouirons d'un sort plus beau ; Nous avons connu la tendresse. Quand les beaux jours de la jeunesse S'éclipseront comme un beau jour d'été. Nous aurons la délicatesse. Les soins, l'amitié, la gaieté, Les souvenirs : nous puiserons sans cesse Dans les trésors de la variété, Pour ranimer le froid de la vieillesse : Tous les temps ont leur volupté. Ainsi la chaîne qui nous lie N'auta point de cours limité : Avant-couteurs de l'immortalité, Nos plaisirs dureront autant que notre vie : L'amour en nous donnant la sensibilité, Fit avec nous ce doux traité ; Et la raison le ratifie. |
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Jean-François de Bastide (1724 - 1798) |
Portrait de Jean-François de Bastide |