Jean-François Ducis |
Quiconque aime les vers doit aimer la retraite : Amis, vivons aux champs ; renonçons à Paris. Apollon fut berger ; sous de riants abris Il gardait les troupeaux d'Admète. C'est à l'ombre des bois, c'est au bord des ruisseaux Que Virgile animait le chalumeau champêtre. Dans le fracas de Rome, à l'aspect des faisceaux, Ses vers si touchants et si beaux, Avec moins d'harmonie auraient coulé peut-être. Les beaux vers sont sacrés : ils voltigent flottants, Pareils aux oracles mobiles Qu'autrefois la main des sibylles .Sur la feuille légère abandonnait aux vents. Mais il faut les saisir, les enchaîner ensemble ; Un souffle les disperse : heureux qui les rassemble ! Va, ce n'est pas dans les palais. C'est dans les bois touffus que le bon La Fontaine Rêvant, dormant peut-être, à l'ombre d'un vieux chêne, Les rencontrait toujours sans les chercher jamais. C'est lui qui m'a formé; je lui dois tout peut-être J'admirais tour à tour sa grâce et sa vigueur ; Le charme m'entraînait, je n'en étais pas maître ; Et, sans l'avoir appris, je le savais par cour. Oh ! de ces deux pigeons combien la complaisance, Le tendre attachement, la douceur, la constance, Me peignaient vivement ton amitié, ta foi ! Ils m'expliquaient ton cour, et je goûtais d'avance Tout ce qu'un jour le mien devait sentir pour toi. Vois-tu ces pins altiers et ces chênes sauvages, Dont la voûte sur moi balance un large dais ? Hier, avec plaisir, c'est là que j'entendais La brusque voix du nord gronder dans leurs feuillages. Mais tes yeux cherchent-ils de plus doux paysages ? Descends dans ce vallon, la nature y sourit. Va, crois-moi, c'est pour nous que Philomèle chante, Pour nous que la rose fleurit, Pour nous que ce berger suit de loin son amante. Ami, suis-moi ; sous tes pas Sens-tu fléchir cette mousse Qui plaît aux pieds délicats, Et mollement les repousse ? Vois-tu Zéphyr, sur ces fleurs, Voler d'une aile inconstante, Et de sa robe flottante Verser les douces odeurs ? Vois-tu ces eaux fugitives Baigner ces prés dans leurs cours ; Et ces fauvettes plaintives Qui soupirent leurs amours ? Malheureuse la bergère Qui les voit, tout le jour, sous le même rameau, Qui les entend le soir en rentrant au hameau ! Son cour palpitera d'un trouble involontaire. « Couple heureux, couple solitaire, « Dira-t-elle en rêvant, que votre sort est doux ! « Dans vos tendres ardeurs heureux qui vous ressemble ! «Votre bonheur est d'être ensemble. « Ah ! si j'aime jamais, j'aimerai comme vous. » Du cour voilà le vrai langage ; Voilà comme l'amour parlait au temps passé. Des villes, des palais, nos vices l'ont chassé : Ne nous étonnons point qu'il se sauve au village. Que n'ai-je été berger! c'était là mon destin. Oh ! comme avec plaisir j'aurais pris, le marin. Ma panetière'', ma houlette! Et sans doute tu penses bien Que je n'eusse jamais oublié ma musette. J'aurais eu mes moutons, ma Lisette, mon chien ; On aurait dit Ducis, comme on dit Timarette. |
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Jean-François Ducis (1733 - 1816) |
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Portrait de Jean-François Ducis | |||||||||