Jean-Jacques Viton |
il est là bleu sale déjà lent sous l'horloge aux chiffres romains il est vide qui aura choisi cet horaire il partira vide à 12.30 deux bouteilles de Badoit six boîtes de bière 33 c'est entre la root-beer et la Mort-Subite un pambagna deux jambon-cru il faut des provisions pour ce trajet dans le compartiment soute à sièges la place du mutilé est contre le radiateur poussé à fond matin d'hiver dès franchie la banlieue Sainte-Marthe premier tunnel tombeau très long cette Marthe est sour de Marie et Lazare à sa sortie les roseaux desséchés les lauriers poussiéreux un autre tunnel nous avale l'électricité révèle le bleu des rideaux et de la chaîne du frein de secours à sa sortie l'Estaque au centre du soleil face aux pans inclinés du Rove il est 12.42 au Pas-des-Lanciers de chaque côté ces arbustes pas très hauts chargés de boules noires on me disait c'est du poison isolées sur des panneaux troués les réclames Président et Grosjean Marignane à 12.46 sans avions dans le ciel et puis Vitrolles sous les falaises ocres en Juillet Ceccarelli y créa des promenades douze plaques en ciment jetées à terre comblées de petits jouets de fragments celluloïd de dessins de plumes de ressorts d'éclats de verre on devrait refaire ensemble ce parcours des dalles maintenant l'Etang-de-Berre sans pétroliers sur la fange brune à 12.52 un arrêt à Rognac les grands buis taillés du cimetière ressemblent aux citernes de la Compagnie Shell-Chimie à Berre 12.57 nous regardons passer lentement portées par une remorque Gefco seize voitures neuves étincelantes 13.00 exactement à Saint-Chamas un rapide grande-vitesse nous repousse ah ! que j'aimais à l'appel de la clochette déjeuner dans le wagon-restaurant les serviettes blanches un peu épaisses les lampes de table fer forgé l'abat-jour rose tendre les fleurs et le chiffre de la Société dans l'assiette sous le ventre de la sole meunière à Miramas 13.10 trois légionnaires sur le quai parlent avec le chef de gare ils font des gestes exagérés par les rafales du vent toute la Crau s'ouvre à 13.25 un contrôleur qui flâne est surpris de nous voir il s'affale il enlève sa casquette il ouvre sa veste il fume une cigarette il accepte une 33 il ignore l'heure d'arrivée et voici les dix mille mouettes gris blanc jaune de la liberté crasseuse elles recouvrent en hurlant la décharge d'Entressens seule colline de la Crau trois rapides nous croisent encore ils se poursuivent dans un hurlement identique cris de guerre des grands trains qui disparaissent on me disait ne reste pas à la fenêtre j'ai noté l'apparition depuis dix minutes du mouton fixe dans la campagne en gare d'Arles la motrice laisse siffler son moteur comme un réacteur de Boeing et le Rhône tout à coup avec une famille de flamands roses et un hameau de maisons basses le Rhône est le plus abondant des fleuves français il roule en toute saison un flot puissant et rapide son régime est complexe en Août il empeste dans Avignon où il est vrai que tout empeste on regarde les cultures on découvre qu'elles aiment la potasse on traverse la campagne à petite allure on peut compter les pies dans les champs à 13.55 la terre est brune accélération les arbres n'ont plus de feuilles les jardins clos sont retenus au sol par de larges filets verts Barbier-Dauphin est une bien belle réclame à l'arrivée il est 14.15 |
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Jean-Jacques Viton (1933 - 1620) |
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Portrait de Jean-Jacques Viton | |||||||||