Jean-Pierre Lemaire |
La douleur t'a passé une bague au doigt il y a des années. Elle brille à peine tu y penses moins qu'à ta montre ou tes lunettes. Mais si tu l'oublies le matin sur un meuble tu disparais pour toute la journée dans les limbes du temps, et quand tu la portes ce sont les autres qui deviennent visibles. * Tes yeux vides ont vu passer les saisons comme une statue au fond d'un jardin. Le regard est descendu dans la pierre avec les pluies et le soleil. Il suit le couteau qui travaille entre pierre et chair pour te délivrer depuis ta naissance. Tu sens quelque chose enfin se détacher au dedans. Es-tu libre? Est-il encore temps de marcher en tenant ton coeur circoncis comme les martyrs leur tête tranchée? * L'amour te remet son bandeau sur les yeux. Tu revois la route que tu n'as pas prise entre les châtaigniers, vers le Sud-Ouest la route de Bazas et de Compostelle avec cette ignorance autour de ton coeur comme l'air respirable autour de la terre la clarté qui s'en va au pays de l'autre le chemin qui faisait ta fiancée lointaine pour lui laisser le temps de grandir en toi. Dehors, le reflet des lampes plus jaune, sans tige sur la sombre rivière. Dans le café, le jeune muet dépose au coin des tables ses petites enveloppes, bleues ou roses avec l'horoscope, toujours le même. Nous lisons, attendant qu'il revienne pour que les lampes toutes ensemble se posent à nouveau sur terre. |
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Jean-Pierre Lemaire (1948 - ?) |
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Portrait de Jean-Pierre Lemaire | |||||||||