Joachim du Bellay |
Telle que dans son char la Bérécynthienne Couronnée de tours, et joyeuse d'avoir Enfanté tant de dieux, telle se faisait voir En ses jours plus heureux cette ville ancienne : Cette ville, qui fut plus que la Phrygienne Foisonnante en enfants, et de qui le pouvoir Fut le pouvoir du monde, et ne se peut revoir Pareille à sa grandeur, grandeur sinon la sienne. Rome seule pouvait à Rome ressembler, Rome seule pouvait Rome faire trembler : Aussi n'avait permis l'ordonnance fatale Qu'autre pouvoir humain, tant fût audacieux, Se vantât d'égaler celle qui fit égale Sa puissance à la terre, et son courage aux cieux. Comme on passe en été le torrent sans danger, Qui soûlait en hiver être roi de la plaine, Et ravir par les champs d'une fuite hautaine L'espoir du laboureur et l'espoir du berger : Comme on voit les couards animaux outrager Le courageux lion gisant dessus l'arène, Ensanglanter leurs dents, et d'une audace vaine Provoquer l'ennemi qui ne se peut venger : Et comme devant Troie on vit des Grecs encor Braver les moins vaillants autour du corps d'Hector : Ainsi ceux qui jadis soûlaient, à tête basse, Du triomphe Romain la gloire accompagner, Sur ces poudreux tombeaux exercent leur audace, Etosent les vaincus les vainqueurs dédaigner. &&& Qui a vu quelquefois un grand chêne asséché, Qui pour son ornement quelque trophée porte, Lever encor au ciel sa vieille tête morte, Dont le pied fermement n'est en terre fiché, Mais qui dessus le champ plus qu'à demi penché Montre ses bras tout nus, et sa racine torte, Et sans feuille ombrageux, de son poids se supporte Sur son tronc nouailleux en cent lieux ébranché : Et bien qu'au premier vent il doive sa ruine, Et maint jeune à l'entour ait ferme la racine, Du dévot populaire être seul révéré : Qui tel chêne a pu voir, qu'il imagine encore Comme entre les cités, qui plus florissent ore, Ce vieil honneur poudreux est le plus honoré. &&& Comme le champ semé en verdure foisonne, De verdure se hausse en tuyau verdissant, Du tuyau se hérisse en épi florissant, D'épi jaunit en grain que le chaud assaisonne : Et comme en la saison le rustique moissonne Les ondoyants cheveux du sillon blondissant, Les met d'ordre en javelle, et du blé jaunissant Sur le champ dépouillé mille gerbes façonne : Ainsi de peu à peu crût l'empire Romain, Tant qu'il fut dépouillé par la Barbare main, Qui ne laissa de lui que ces marques antiques, Que chacun va pillant : comme on voit le glaneur Cheminant pas à pas recueillir les reliques De ce qui va tombant après le moissonneur. |
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Joachim du Bellay (1522 - 1560) |
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Portrait de Joachim du Bellay | |||||||||
Biographie / OuvresJoachim du Bellay est né au château de La Turmelière, en Anjou, en 1522. Il est originaire d'une famille de cardinaux, de diplomates et de gouverneurs. Orphelin de père et de mère avant qu'il n'ait 10 ans, il est confié à la tutelle de René, son frère aîné. Ce dernier le néglige. Si l'on en croit les propres affirmations de Joachim du Bellay, il a une enfance triste, solitaire à la Turmelière dans |
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