Jules Verne |
Oh ! laissez-moi ! Mon cour me fait bien mal ! un peu de solitude ! Le voyage est bien long, et le chemin bien rude, A l'humble sujet comme au roi ! Oh ! laissez-moi ! Laissez-moi tomber seul en heurtant les racines, Et seul, me déchirer aux ardentes épines, Oh ! laissez-moi ! Oh ! laissez-moi ! Car l'organe du mal, car Satan m'accompagne, Et dans son vol brûlant traverse la campagne. Il a pris mon âme et ma foi ! Oh ! laissez-moi ! Qu'aurais-je à faire ici d'inutiles services ! Laissez-moi, seul, tomber aux rocs des précipices, Oh ! laissez-moi ! Oh ! laissez-moi ! Car j'ai rage et colère, et dans le fond de l'âme, J'ai là, plus de douleur que n'a la pauvre femme Au glas glacial du beffroi '. Oh ! laissez-moi ! Un infernal penser me déchire la tête, J'ai là plus de fureur que la mer de tempête, Oh ! laissez-moi ! Oh ! laissez-moi ! La lionne rugit, quand sa cruelle engeance Sous les coups des chasseurs a subi la vengeance, Elle emplit l'air de son effroi ! Oh ! laissez-moi ! Plus tranquille, et plus triste en sa calme tristesse, La colombe maudit le destin qui l'oppresse, Oh ! laissez-moi ! Oh ! laissez-moi ! Au désert, la gazelle exhale pleurs et plainte ; Le sang de la douleur l'a jusqu'au cour atteinte ; Le désert entend son émoi ! Oh ! laissez-moi ! La tigresse a perdu ses petits. Sa colère Ebranle terre et cieux !... moi... ! j'ai perdu ma mère !!! Oh ! laissez-moi ! II L'amour et l'amitié, deux sentiments de l'âme, Expansion du cour, mais contraires pourtant ! L'un calme, doux et pur, l'autre vif, tout de flamme, Et se fuyant l'un l'autre ! - En sa course, le temps Ne les trouva jamais régnant sur un seul être, Car ils ne vivaient pas chacun de sa moitié : Au cour indivisible, il ne pourra que naître L'amitié sans l'amour, l'amour sans l'amitié ! III Pour une mère, au monde est-il si triste chose Que de perdre en naissant, Sa fille, ange du ciel, sa fille, tendre et rose, Joli petit enfant ! Est-il plus triste chose au monde, que la mère ! Pour son enfant souffrir, Et le voir s'envoler malgré pleurs et prière, Le voir naître et mourir ! Mais est-ce là mourir, car ton oil triste pleure, Est-ce là le tombeau ? De la vie et la mort le ciel a sonné l'heure, La tombe est un berceau ! Le frêle papillon n'a pas touché la terre, Mais le bonheur et Dieu ! Son aile l'a mené, diaphane et légère, S'effacer au ciel bleu. Il est là-haut, près Dieu, jouant avec les anges, Les Gentils Chérubins, Enfants aux ailes d'or, et les joyeuses phalanges Des tendres petits Saints. Il est là-haut, près Dieu, car du sein de sa mère, Etre spirituel, Dédaignant les malheurs et les maux de la terre, Il est né pour le ciel. Pauvre mère ! un enfant, n'est-ce pas l'obole Pour te récompenser ? N'as-tu pas à guetter sa première parole, Et son col à baiser ? A ce penser aussi, ton âme s'accoutume De respirer un jour Le parfum d'un enfant, fleur faite d'amertume, De souffrance et d'amour. Pleure, il te faut pleurer ! les larmes refont l'âme. Les pleurs viennent de Dieu ! Pleure ! ton pauvre enfant dans le ciel les réclame, Comme un dernier adieu ! Pleure, et réjouis-toi ! ton enfant pour toi prie Avec des mots pieux ! Ta fille, pauvre mère, elle était bien jolie !... Elle priera bien mieux ! IV Le superbe cortège Est un enterrement. La foule qui l'assiège Regarde amèrement. Que Dieu grand bien leur fasse ! Pour ce funèbre apprêt ! C'est de première classe, ' C'est de premier regret ! L'Eglise est toute noire, Et son noir manteau, Laisse l'âme se croire Dans la nuit du tombeau. La croix d'argent en tête, Digne d'un dieu du ciel, Fière, comme à la fête De Pâque ou de Noël. Puis des enfants en foule, Voués aux tristes sorts, Dont le faible pas roule Trente têtes de morts. Et le bedeau, sa verge, Les Suisses galonnés, Le chandelier, le cierge, L'encens qui prend au nez, L'enfant à la voix aigre, Le large baryton, Le ténor haut et maigre, Le caverneux basson, Et la funèbre étole, Le funèbre encensoir, Le rochet qui désole, Le bréviaire noir, Le dernier comme un maître S'arrêtant sur le seuil, De sa main le noir prêtre Bénit le noir cercueil ; Et la foule s'agite, Et la clameur répond, Et tout se précipite, Et la clameur se fond, Et dans le cimetière, Le catafalque noir Brise la branche amère De l'if qui tremble au soir ; Et dans l'humide terre, Sans espoir de retour, La ténébreuse bière Tombe et rend un son sourd |
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Jules Verne (1828 - 1905) |
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Portrait de Jules Verne | |||||||||
Biographie / OuvresJules Verne naquit à Nantes le 8 février 1828. Son père, Pierre Verne, fils d'un magistrat de Provins, s'était rendu acquéreur en 1825 d'une étude d'avoué et avait épousé en 1827 Sophie Allotte de la Füye, d'une famille nantaise aisée qui comptait des navigateurs et des armateurs. Jules Verne eut un frère : Paul (1829 - 1897) et trois soeurs : Anna, Mathilde et Marie. À six ans, il prend ses premi ChronologieLA VIE ET L'OEUVRE DE JULES VERNE |
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