Jules Verne |
Ce feu fantasque, insaisissable, Qui, dans l'ombre voltige et luit, Et qui, même pendant la nuit, Ni sur la mer, ni sur le sable, Ne laisse de traces après lui. Ce feu toujours prêt à s'éteindre, Tour à tour blanc, vert ou violet, Pour reconnaître ce qu'il est, Il faudrait le pouvoir atteindre ! Atteignez donc un feu follet ! On dit que c'est chose certaine, Un peu d'hydrogène du sol, J'aime mieux croire qu'en son vol, Il vient d'une étoile lointaine, De Wega, de la Lyre ou d'Algol. Mais n'est-ce pas plutôt l'haleine D'un sylphe, d'un djinn, d'un lutin, Qui brille la nuit et s'éteint, Lorsque se réveille la plaine Aux rayons joyeux du matin, Ou la lueur de la lanterne Du long spectre qui va s'asseoir Sur la chaume du vieux pressoir, Quand la lune blafarde et terne Se lève à l'horizon du soir ? Peut-être l'âme lumineuse D'une folle qui va cherchant La paix loin du monde méchant, Et passe comme une glaneuse Qui n'a rien trouvé dans son champ ! Serait-ce un effet de mirage Sur l'horizon déjà moins clair Produit par un trouble de l'air , Ou, vers la fin de quelque orage, Le reste d'un dernier éclair ? Est-ce la lueur d'un bolide, Véritable jouet icarien " ? Qui dans son cours aérien Etait lumineux et solide, Et dont il ne reste plus rienI, Ou sur les champs dont il éclaire D'un pâle reflet le sillon, Quelque mystérieux rayon Tombé d'une aurore polaire, Triste et nocturne papillon ? Serait-ce en ces heures funèbres Où les vivants dorment, lassés, Le pavillon aux plis froissés Qu'ici-bas l'ange des ténèbres Arbore au nom des trépassés ? Ou bien, pendant les nuits trop sombres, Lorsque le moment est venu, Est-ce le signal convenu Que la terre, du sein des ombres, Envoie au ciel vers l'inconnu, Et qui, comme un feu de marée, Aux Esprits errant à travers Les vagues espaces ouverts Indique la céleste entrée Des ports de l'immense Univers ? Mais si c'est l'ardente étincelle Qui sur son front porte l'Amour Quand il parcourt le monde pour Essayer de rencontrer Celle Qui doit le fixer sans retour, Prends garde à ton cour, jeune fille, Et si tu l'aperçois là-bas, Laisse-le seul à ses ébats ! Oui ! prends garde ! ce feu qui brille S'éteint vite et ne brûle pas ! Qui que tu sois, éclair, souffle, âme, Pour bien I pénétrer tes secrets O feu fantasque, je voudrais Un jour m'absorber dans ta flamme Alors, partout je te suivrais, Lorsque sur la cime des arbres, Tu viens te poser, souffle ailé, Ou, discrètement appelé, Lorsque tu caresses les marbres Du cimetière désolé, Quand dans nos vieilles cathédrales Tu viens parfois te frapper aux Saints coloriés de leurs vitraux Ou que des cryptes sépulcrales Tu glisses hors des soupiraux,u Lorsque vers minuit tu t'accroches Aux ruines du vieux manoir Qui domine les hautes roches Et sur le ciel paraît tout noir, Ou quand tu rôdes sur les lisses Du navire battu de flanc Sous les coups de typhon hurlant Et que dans les agrès tu glisses Ainsi qu'un lumineux goéland ! Et l'union serait complète Si le destin, un jour, voulait Que je pusse, comme il me plaît, Naître avec toi, flamme follette, Mourir avec toi, feu follet ! |
Contact - Membres - Conditions d'utilisation
© WikiPoemes - Droits de reproduction et de diffusion réservés.
Jules Verne (1828 - 1905) |
|||||||||
|
|||||||||
Portrait de Jules Verne | |||||||||
Biographie / OuvresJules Verne naquit à Nantes le 8 février 1828. Son père, Pierre Verne, fils d'un magistrat de Provins, s'était rendu acquéreur en 1825 d'une étude d'avoué et avait épousé en 1827 Sophie Allotte de la Füye, d'une famille nantaise aisée qui comptait des navigateurs et des armateurs. Jules Verne eut un frère : Paul (1829 - 1897) et trois soeurs : Anna, Mathilde et Marie. À six ans, il prend ses premi ChronologieLA VIE ET L'OEUVRE DE JULES VERNE |
|||||||||