Jules Verne |
Le pouvoir appauvri, sans foyer, sans fortune, Réduit même à coucher au glacial clair de lune, Affaibli par la lutte, et le rude combat Des systèmes divers qui tracassaient l'Etat, Des desseins ténébreux, des sentiments contraires, De ces opinions tenaces, arbitraires, De ces projets sans force, avant terme venus, Contrefaits, rabougris, manques et biscornus, A refaire, enfants dont une faible couronne Accouche chaque jour, avait quitté le trône ; Il allait mendier ' quelque gîte et du pain, Pour reposer son corps, pour assouvir sa faim. La nuit était piquante, une perçante pluie Du pouvoir traversait l'indiscret parapluie ! Où coucher ? que manger ? faudrait-il donc mourir ? Une idée accourut à lui soudain s'offrir. Il dirigea ses pas vers cette bonne armée Par le zèle et l'argent à la fois animée, Qui peuple chaque jour de chefs et de commis, De sous-chefs, d'aspirants, plus ou moins bons amis, De facteurs, de portiers et de surnuméraires, Les bureaux, cabinets, chambres des ministères. Cette foule appointée allait se mettre au lit, En bonnet de percale, en blanc manteau de nuit, Et ses longs cheveux noirs, enlevés avec grâce, Sur la table nocturne étaient mis à leur place. Soudain elle s'arrête, apercevant son chef, Et d'abord craint d'avoir commis quelque grief. Mais vite elle revient, met les chaises en ordre, Ramène sur son sein sa toilette en désordre, Présente à son Pouvoir le repos d'un fauteuil, Pour lui plaire offre tout, son chat, son écureuil ; Comme une tendre épouse, au cour plein de services Des coups d'opinion baise les cicatrices, Zélée, officieuse, apporte le dîner. Le Pouvoir dévora ; sans du tout s'étonner Elle fit desservir, puis pria son bon maître Ce que d'elle il voulait de lui faire connaître, Pour lui rendre service, en tout, elle s'offrit. Le pouvoir sans argent, sans secours et sans lit, D'une nuit demanda la faveur presque insigne ! D'un honneur aussi grand se trouvant trop indigne, Elle rougit d'abord ; puis enfin la raison Vint prendre le dessus ; par là, son horizon Pourrait bien s'agrandir ! avant tout il faut plaire ! Il faut servir ses chefs ! quel moyen de leur faire La cour, tout en secret, à coup sûr, et sans bruit Pouvait être meilleur que d'offrir la nuit, Au pouvoir mendiant, sans gîte et sans asyle, Un bon lit ! c'est d'ailleurs sans être trop servile. Ma foi, la bonne armée offrit à son Seigneur, Son bien, son toit, son feu, son lit et son honneur. Le lendemain matin, le Pouvoir plein de joie S'en fut ; aussi joyeuse, aux vieilles plumes d'oie, La paresseuse armée, en donnant un tantin, Revint un peu plus tard le lendemain matin. Le pouvoir enrichi se carra de plus belle ; Pourquoi ? Je n'en sais rien ! mais voici la nouvelle, Que l'on apprend malgré grande discrétion : Juste neuf mois après naît la Corruption ! |
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Jules Verne (1828 - 1905) |
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Portrait de Jules Verne | |||||||||
Biographie / OuvresJules Verne naquit à Nantes le 8 février 1828. Son père, Pierre Verne, fils d'un magistrat de Provins, s'était rendu acquéreur en 1825 d'une étude d'avoué et avait épousé en 1827 Sophie Allotte de la Füye, d'une famille nantaise aisée qui comptait des navigateurs et des armateurs. Jules Verne eut un frère : Paul (1829 - 1897) et trois soeurs : Anna, Mathilde et Marie. À six ans, il prend ses premi ChronologieLA VIE ET L'OEUVRE DE JULES VERNE |
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