Julien Gracq |
La singularité du visage d'Isabelle était faite de ces blancheurs de linge, de ces éclatantes étendues de mer calme entre deux coups de ressac, de ces plages accueillantes de lumière lisse d'un après-midi de juillet sur un toit d'ardoises. Une encolure choisie, faite pour les nobles harnais du cheval de bataille, ses seins plantés comme des chevilles pour l'escalade d'un bel arbre, la prise qu'ils appelaient de deux mains ouvertes et accueillantes, des yeux compliqués et préhensiles comme la vrille du pois de senteur, des volontés brutales et folâtres comme un coup de mer contre une jetée par le jour du plus beau temps, je me rappelle tout comme si c'était hier. Par-dessus toute qualité, j'admirais qu'elle pût être à ce point ambiguë - ses mains changent comme le vent, ses pieds lisses se posent par le monde sur je ne sais quel sonore ouragan de tuiles, et, singulière comme ces transmutations à vue qu'un prince charmant d'un haussement de sourcil encourage dans les enlacements de la Belle et de la Bête, c'est tout à coup d'un profil perdu de cette figure étrange sur un fond de forêts et de feuilles changeantes qu'est faite - maniaque et toujours à je ne sais quel souvenir perdu attentive - la beauté du visage d'Elisabeth. |
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Julien Gracq (1910 - 2007) |
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Portrait de Julien Gracq | |||||||||
Biographie / Ouvres1910 - Naissance de Louis Poirier le 27 juillet à Saint-Florent-le-Vieil dans le Maine-et-Loire, région des Mauges, dans la maison du grand-père paternel. |
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