Julien Gracq |
Quelquefois j'étais transporté sur un rivage démesuré de ville glorieuse, enverguée à l'air de ses mille mâts, criant dans l'air comme un geyser éteint ses cris figés de pierre, une pyramide haute de murs à la patine soyeuse où dans les rues du soir se prenait comme une glace au-dessus de la banquise de la mer le cristal noble de l'air sonore, et très loin par-delà les hautes murailles des trompettes calmes sans cesse protégeaient une solennité mystérieuse, - un port du large lavé des vents et dévasté par une mer où plongeaient rouge les soleils rapides, et là, couché au bout d'un môle, au ras des vagues penchées toutes et courant bouclées d'un seul souffle emportant, - sur mes épaules, les tours et les dômes dorés fumants d'une poussière de soleil dans le bleu exténué sous le harnais de la journée chaude, - fasciné par un songe salé d'embrun solaire et sur mon dos l'énorme gonflement de bulles de ces carapaces séculaires, les corridors de crime de ces millions d'alvéoles, les places désertes autour des statues de gloire et des spectres du grand jour, les porches des palais aveugles empanachés noir d'un claquement ténébreux d'oriflammes, comme un homme qui crie en plein midi - la ville aspirée avec moi dans le miroir débordant du soir se déhalait sur la mer dans un grésillement de braise, fendait l'eau d'une poitrine monstrueuse sous ses colonnes de toile, sur une houle de rumeurs et de silence, sous le brouillard de lumière vivante et le buisson ardent de ses drapeaux. |
Contact - Membres - Conditions d'utilisation
© WikiPoemes - Droits de reproduction et de diffusion réservés.
Julien Gracq (1910 - 2007) |
|||||||||
|
|||||||||
Portrait de Julien Gracq | |||||||||
Biographie / Ouvres1910 - Naissance de Louis Poirier le 27 juillet à Saint-Florent-le-Vieil dans le Maine-et-Loire, région des Mauges, dans la maison du grand-père paternel. |
|||||||||