Julien Gracq |
Les yeux fermés sous les feuilles fraîches de ses troènes, le chemin d'eau m'emportait chaque après-midi à reculons comme une Ophélie passée dans sa bouée de fleurs, dissolvant lentement du front les clôtures molles. Couché plus bas qu'aucune autre créature vivante sur l'oreiller fondamental, tombait sur moi la face des arbres comme la rosée d'un visage penché sur un lit de malade, et mettant le monde doucement à flot sur ma route comme un liège, j'étais fiancé aux anneaux sonores des ponts comme une gaze, de plain pied avec le mufle bénin des vaches. L'ombre de la forêt sur la rivière mêlait à l'eau noire une douce tisane de feuilles mortes et d'oubli. Midi me trouvait dérivant au large ensoleillé de vastes grèves scintillantes, les mains closes sur le cour, les paupières éclatantes de langueur, puis le somptueux froissement des roseaux dévorait les rives d'une palissade théâtrale de murmures, et mollement entravé comme d'une robe par les tiges aux longues traînes, engourdi au fond d'une impasse verte, les doux maillons de soleil de l'eau qui me portait comme un ventre, comme un qui regarde au fond d'un puits redescendaient jusqu'à moi en se dénouant sur le visage d'une femme. |
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Julien Gracq (1910 - 2007) |
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Portrait de Julien Gracq | |||||||||
Biographie / Ouvres1910 - Naissance de Louis Poirier le 27 juillet à Saint-Florent-le-Vieil dans le Maine-et-Loire, région des Mauges, dans la maison du grand-père paternel. |
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