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Julien Green

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La jeunesse revisitée


Poésie / Poémes d'Julien Green





C'est volontairement que nous plaçons Moïra avant la première pièce de théâtre, Sud, car ce roman annonce l'Autobiographie. Julien Green a plusieurs fois confié qu'il avait prononcé certaines phrases de Joseph Day, lorsque lui-même se trouvait à l'université. Le lieu, l'époque (1921), tout concourt à cette ressemblance, le caractère même du héros et de l'auteur (crime excepté, et encore Dieu sait de quels crimes un auteur se débarrassE).

Un jeune campagnard, un beau roux aux yeux noirs et à la peau laiteuse, arrive de sa colline pour entrer à l'Université de Virginie. La « dépravation » qu'il observe autour de lui l'indigne, et il le déclare sans ambages à ses camarades, qui, presque tous, se moquent des sermons de ce puceau de dix-huit ans réfractaire aux compromis de la morale et de la nature. Joseph s'insurge furieusement contre la loi charnelle et, en / même temps, subit l'obsession de ce joug. Cette contradiction causera son malheur, fera de lui l'assassin de sa première maîtresse, Moïra. Je hais l'instinct sexuel, dit-il.

Dans ces chapitres écrits vingt-six ans après son retour en France, les descriptions de la Virginie ont gardé la fraîcheur qu'elles avaient pour le garçon de dix-neuf ans. Ce paysage et ce décor qui invitent au bonheur laissent Joseph réfractaire, et même révolté. C'est, un beau matin, son exemplaire de Roméo et Juliette qu'il déchire à cause des obscénités que Shakespeare y a mises. Une autre fois, notre réformateur s'en prend aux nudités de marbre et de plâtre qui ornent les jardins et dont il se détourne avec ostentation. Ces protestations finissent par irriter ses camarades, qui décident de former un petit complot pour provoquer la chute de ce parangon de chasteté : on le poussera dans les bras d'une fille, Moïra, bien connue et fort appréciée des étudiants. Elle va fasciner notre Parsifal, et l'image de cette bouche rouge comme une blessure, le souvenir de son parfum, et jusqu'au bruit léger de ses bracelets vont lui échauffer le sang. L'Ange exterminateur -surnom donné à Joseph par l'Université - ne s'appartient plus, et c'est en vain qu'il se défend avec violence pour échapper à sa proie. Moïra n'a qu'à attendre les derniers soubresauts, puis à tirer le filin pour amener jusqu'à ses pieds son vainqueur, c'est-à-dire sa victime. Joseph la viole, mais la première nuit d'amour n'est pas achevée que la rage de l'innocence première reprend l'étrange amant. Vite, il faut effacer la souillure et, mieux encore, en finir une bonne fois avec les exigences de la chair : il étrangle la femme. Avant de se livrer à la justice des hommes, il ira enterrer le cadavre impur dans la neige.

La structure de ce roman le rend très différent des autres livres, car les dialogues y occupent une place prépondérante. Trois ans plus tard, l'auteur fera jouer sa première pièce, Sud. Les personnages de ses romans, en s'exprimant toujours plus directement, l'ont mené peu à peu au théâtre, comme dans cette scène où Moïra entre chez Joseph Day, referme la porte de la chambre à double tour et glisse la clef dans le décolleté de sa robe.



- Vous avez peur, monsieur Day?

- Peur? Peur de qui?

- Mais de vous.

- Je n'ai peur de personne, fit-il avec un geste...

- Avouez que vous avez un fichu caractère, dit-elle, en tournant les yeux vers lui, et que vous ne savez pas parler aux femmes...

Joseph gardait une immobilité absolue. Ce n 'était pas sa faute s'il la voulait. Son corps d'homme la voulait, mais le corps menait en enfer si on lui cédait. Ce que voulait son corps, son âme ne le voulait pas. Lui aussi, comme saint Paul, avait une écharde dans la chair, et l'ange de Satan le souffletait. A cause de cela, le sang lui battait aux tempes et ses entrailles se serraient. Et il y avait encore autre chose de pénible et d'humiliant à quoi il ne pouvait rien...

- Monsieur Day, voulez-vous me donner un timbre? demanda-t-elle à mi-voix.

- Dans le tiroir, il y a une petite boîte de carton où vous trouverez un carnet de timbres.

- Merci.

- Rendez-moi la clef, s'il vous plaît, dit-il...

- On va vous la rendre, votre clef! Elle porta la main à sa poitrine.

- Oh, elle a glissé ! fit-elle d'un air un peu confus. Votre clef a glissé, il va falloir... Ne regardez pas, je vous prie.

Avec une sorte de violence, il se tourna contre le mur et croisa les bras pendant qu'elle fouillait sous sa robe. Au bout d'un moment, il entendit la clef tomber sur le plancher.

- Allons, ramassez votre clef. Ne restez pas là à me foudroyer du regard, monsieur Day. Ramassez votre clef.

Il se courba devant elle et sa main saisit la clef qui lui parut encore toute chaude...

- Ouvrez cette porte, dit-elle. Il fil un pas vers elle. Sur son front et sur ses yeux, elle sentit le souffle du jeune homme qui avançait la tête à la façon d'an animal.

- Non ! fit Moïra à voix basse. Je ne veux pas ! Je ne veux pas.'...

Tout est en place pour la scène. Julien Green avait d'ailleurs commencé une pièce sur le sujet de Moïra, et il en reste un acte. Et de nouveau il va se tourner vers l'Amérique avec Sud, puis avec L'Ombre avant de se lancer à cour perdu dans l'Autobiographie.



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Julien Green
(1900 - 1998)
 
  Julien Green - Portrait  
 
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