Louis Aragon |
Dans la bouche du temps qu'une pénombre emplit soudain passent les silhouettes des machinistes démontant emportant l'Italie et la pluie des pans d'Italie obliques des paysages siennois collines bois de pins champs d'une herbe distante ou la Brenta les marais une villa de Palladio des pans d'Italie et de pluie on dirait du verre filé des îles de misère une robe de madone à la lueur des cierges dans une grotte noire et tout qui se désarticule et les palais taillés en diamant les loggias où rêve un manteau rouge une taverne avec les regards usés dans les visages jaunes comme une rapière oublieuse de tuer des pans de pluie on dirait qu'on a dépendu tous les lustres et la lessive à n'en plus finir au ciel des rues étroites des pans de siècle et des armures à panaches et le pas des chevaux la beauté des gants de couleur sur des mains sanglantes les machines à prendre d'assaut les forteresses et les navires le grand hiéroglyphe noir et blanc des batailles l'architecture admirable des prisons tout cela passe à dos d'hommes entre des bras bleus dans le nuage qu'un piétinement hâtif soulève et il y a des lévriers des catins et des pages effrontés juste le temps de compter jusqu'à trente-trois comme si le théâtre avait la bronchite et cela empeste la poussière et l'alcool la salive dans les mains crachée des cordes tombant des cintres de grosses cordes lourdes font un instant des festons croulants qui va-t-on pendre ou prendre à leur licol et puis il y a des étoiles plein d'étoiles piquant la toile de fond tandis qu'un homme à s'y méprendre au Prologue pareil n'était qu'il est plus vieux plus maigre plus subtil s'avance dans un halo d'opale habillé de turbans et de cimeterres selon la tradition du Matamore pour les sourcils et la moustache et du bout d'une canne en jonc qui a avalé une girafe montre au public sur un écran soudain qui s'éclaire avec un cadre d'or gaufré agrémenté de toute sorte de figures à demi nues où le chèvre-pied la sirène et le centaure alternent mais ce n'est pas du tout de cela qu'il s'agit Montre disais-je les images peintes du futur se succédant sans transition dans le petit corridor d'or de sa lanterne |
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Louis Aragon (1897 - 1982) |
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Portrait de Louis Aragon | |||||||||
BiographieLouis Aragon, que son père, un haut fonctionnaire et député, n'a jamais voulu reconnaître, montre très jeune un don pour l'écriture. Il est étudiant en médecine lorsqu'il rencontre André Breton en 1916 avec lequel il se lie d'amitié. En 1918, il publie ses premiers poèmes, puis part, en tant que médecin auxiliaire, au front des Ardennes. Son courage lui vaut d'être décoré de la Croix de Guerre. Principales oeuvresPOÈMES ET POÉSIES Citations de louis aragon |
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