Louis Aragon |
Cendres sur les toits du matin Lorsque la dernière putain Va se coucher de guerre lasse l.'aube efface d'un jour déteint Les réverbères dans les glaces Les hommes de ciel et de boue Portent à leurs yeux de hiboux La suie et la sueur des paumes Par le square aux dormeurs debout Un instant de fatigue chôme Dans le petit soleil absent Pour qui ce temple renaissant Alexandrie ou Rome Athènes De deux charniers des Innocents Il n'est resté qu'une fontaine Depuis bientôt quatre cents ans Figures qu'on voit l'eau puisant Pourquoi font-elles simulacre D'attendre au puits leurs courtisans Revoici le temps des massacres Paysannes sans horizon À la margelle des maisons Samaritaines idéales Marchandes des quatre saisons Nymphes que hâle l'air des Halles Diront-elles si leurs cours sont De pierre comme est le frisson Qui froisse leurs robes de pierre Ces échansonnes sans chanson Sans pleurs sans pluie à leurs pau Ici la rue a goût de sang Où sur des diables les boufs s'en Vont fleurir l'ombre par centaines Des deux charniers des Innocents Il n'est resté qu'une fontaine Mais de la Saint-Barthélémy Nul n'a gardé mémoire hormis Les longues filles en chemise Qui virent périr leurs amis D'où Jean Goujon les avait mises Étrange tour de nos tourments Il faut bâtir un monument En qui survivent nos batailles Dans le marbre éternellement Et que Paris trouve à sa taille À la taille de ses barreaux À la honte de ses bourreaux Le monument du haut vouloir À la gloire de nos héros À la gloire de notre gloire Arche du ciel Marche d'encens La nuit qui poursuit les passants A l'aurore devient châtaine Des deux charniers des Innocents Il n'est resté qu'une fontaine Arche fontaine ou mausolée Le monument dont j'ai parlé Emprunte aux ailes du martyre Les frémissantes envolées Des Marseillaises quand on tire Il est fait de feu songez-y Et mille salves de fusils Éclairent ses architectures À la terrible poésie De l'échafaud grandeur nature Au cri de France jamais tu Que l'on torture ou que l'on tue A la mort comme à la parade Et jusqu'aux lèvres des statues Je reconnais mes camarades Leur cri sera le plus puissant L'avenir en garde l'accent Parfums perdus haines lointaines Des deux charniers des Innocents Il n'est resté qu'une fontaine |
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Louis Aragon (1897 - 1982) |
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Portrait de Louis Aragon | |||||||||
BiographieLouis Aragon, que son père, un haut fonctionnaire et député, n'a jamais voulu reconnaître, montre très jeune un don pour l'écriture. Il est étudiant en médecine lorsqu'il rencontre André Breton en 1916 avec lequel il se lie d'amitié. En 1918, il publie ses premiers poèmes, puis part, en tant que médecin auxiliaire, au front des Ardennes. Son courage lui vaut d'être décoré de la Croix de Guerre. Principales oeuvresPOÈMES ET POÉSIES Citations de louis aragon |
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