Louis Aragon |
Un soir de Londres Je marche dans les brouillards jaunes de Février Seul avec un amour qui commence Viendra-t-ellc Et je disperse sans fin l'impatience de mes pas Coudoyant des fantômes Bonsoir Docteur Johnson bonsoir George Borrow Et Moll Flanders flânait le long de la Tamise Comment donc disais-tu Shelley de cette ville Hell is a exty much like London ah c'était à l'envers Mais as-tu vu la nuit l'enfer A-t-il tant de décors à l'usage des crimes O paysage de Marylebone Road Rues vides sans parole où l'on a soigneusement essuyé les taches de sang Je me disais justement Comme c'est étrange Le froid de l'Érèbe Mais Où sont les flammes d'antan Soudain le soleil dans l'étoupe Une torche dans la rue Tout ce monde court avec des bottes de ouate Vers cette fausse aurore Dans un acheminement d'échelles et de seaux d'eau Combien sommes-nous quand minuit sonne devant l'immeuble incendié La gesticulation irréelle des sauveteurs et ces poupées incandescentes dans leurs bras Les spectres du trottoir parlent entre eux cockney La mendiante superbe dans ses dentelles sales et le panache à son chapeau Le prédicateur des bancs de Hyde Park Un Chinois de PEast End sorti de Sherlock Holmes Foule invisible sanglots et rumeurs Nous assistons à la lutte de la lance et de l'étincelle Qu'est-ce qui brûle ici dans les écroulements de murailles Romans interrompus Commerces Les ombres et le feu raturent les raisons sociales Épices cotonnades je ne sais On se passe de main en main la petite Doritt évanouie Est-ce que tout sera toujours un spectacle Et seulement un spectacle Un spectacle Ô témoins aveugles une histoire à raconter plus tard Quand depuis longtemps les ruines seront abattues la maison reconstruite Et au rez-de-chaussée il y aura Un pub où l'aie soit pareille Et différente la chanson Je tombe je tombe je tombe Avant d'arriver à ma tombe Je repasse toute ma vie Il suffit d'une ou deux secondes Que dans ma tête tout un monde Défile tel que je le vis Ses images sous mes paupières Font comme au fond d'un puits les pierres Dilatant l'iris noir de l'eau C'est tout le passé qui s'émiette Un souvenir sur l'autre empiète Et les soleils sur les sanglots O pluie O poussière impalpable Existence couleur de sable Brouillard des respirations Quel choix préside à mon vertige Je tombe et fuis dans ce prodige Ma propre accélération Un amour qui commence est le pays d'au delà le miroir Les amants croisent dans la rue un monde bizarre et guindé Des messieurs comme auparavant on ne s'en faisait pas idée Monstres de tous les acabits sur les bus les bancs les trottoirs Ah Seigneur Dieu le vent qu'il fait à Londres quand il fait du vent Le chapelier perd son chapeau Les dormeurs ont le cauchemar C'est le temps qu'il faut pour danser le quadrille avec les homards La Tortue en entonne l'air et le Gryphon passe devant Te souviens-tu de la chanson le ton grave de ses paroles Le rythme en est précisément le rythme de la nursery Mais j'ai beau comme lui mon vers exactement le mesurer Un jour hélas tu t'en iras Alice avec Lewis Carroll |
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Louis Aragon (1897 - 1982) |
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Portrait de Louis Aragon | |||||||||
BiographieLouis Aragon, que son père, un haut fonctionnaire et député, n'a jamais voulu reconnaître, montre très jeune un don pour l'écriture. Il est étudiant en médecine lorsqu'il rencontre André Breton en 1916 avec lequel il se lie d'amitié. En 1918, il publie ses premiers poèmes, puis part, en tant que médecin auxiliaire, au front des Ardennes. Son courage lui vaut d'être décoré de la Croix de Guerre. Principales oeuvresPOÈMES ET POÉSIES Citations de louis aragon |
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