Louis Aragon |
Je ne décrirai pas le premier Que m'importe La carrure d'adolescent ou la couleur du cheveu Son cour c'est simplement un battement de porte Il accompagne de ses mains ce qu'il dit ou veut Dire Il abandonne ce qu'il pense sur les meubles comme Une cigarette inachevée une épaulo non l'autre levée Ce jeune homme Comment l'appelez-vous donc Un poète c'est un poète à quoi voyez-vous que c'est un poète En quoi vraiment est-ce un poète A partir d'où peut-on se dire poète A partir de quand A quoi reconnaît-on qu'un garçon comme un autre un beau jour Est un poète La veille il ne l'était pas encore et voilà Poète Étrange appellation non contrôlée il n'y a pas De procès à qui sans droit en abuse Comme un représentant de commerce à bout d'expédients donnant pour du Champagne de l'asti Ni à ce qu'il dit de procès ni à Comme il le dit et cet air de porter à la boutonnière La blancheur d'un gardénia Qui ne fait rime ici que par le plus grand des hasards Un écho Tombé du panier dans l'ornière où le voilà dernier ex-tequo L'âno C'est un poète vous voyez bien que c'est un poète D'une poésie absolument animale Un jeune chien de poète Pourquoi diable a-t-il voulu ce garçon plutôt qu' Employé des contributions indirectes Être poète il n'en sait rien Être ou paraître Voulait-il qu'on le remarquât voulait-il comme on met à sa fenêtre Des capucines Voulait-il donc trancher sur les maisons voisines Ou plaire à je ne sais quelle pâle cousine Plaire ou déplaire on plaît beaucoup en déplaisant Il ne s'agit pas de plaire mais de briller Il y a des lumières qui blessent Mais ce sont tout de même des lumières mon ami tout do même des lumières Un poète c'est peut-être d'abord une gesticulation Ensuite ensuite on verra ce qu'il en reste Être poète se décider d'être poète engage un homme Comme d'avoir vu son ombre un soir et de ne plus pouvoir Foublier Immense avec ses manches sur les murs Il ne s'agit pas de plaire mais de trancher sur le fond de la vie D'être différent différemment se profiler. Car il est à peu près insupportable de penser Qu'on n'échappera point à ce petit logement machinal comme la mort Où tu reviens prendre tes repas et dormir Avec des cadres aux parois qui représentent un effort de dignité la preuve Qu'il y a très longtemps on avait rêvé de quelque chose À mon tour à mon tour j'aurai cet espace loué Un bail et peut-être le téléphone Alphabétiquement dans un livre mon nom comme une bouée Je suis assis avec la première lettre de mon baptême Au milieu de mes homonymes Encore faudrait-il savoir si je suis Georges Gaston Guy Gérard Puisque c'est après tout ce qu'il m'est laissé de fantaisie Et voDà que ce jeune homme s'est rais à dire des paroles Qu'on entend mal et qu'il semble avoir arrangées à son goût Comme les tableaux des cloisons jadis son père et j'ai toujours Le bruit du marteau sur le clou tintant dans mes oreilles Poète te voilà poète mon ami Cela vaut bien le blouson noir et bleu réversible Que tu jalousas si longtemps pour sa fermeture éclair Tu sais par cour des mots patiemment que tu as mis L'un près de l'autre où l'autre près de l'un paraît baroque Jamais personne ainsi n'a fait se rencontrer les mots ensemble Il y aura des gens qui te reconnaîtront à ces accouplements sonores Et peut-être quelqu'un va-t-il maladroitement les imiter Lève-toi ferme les yeux mets de côté ta tête Et plie en arrière en parlant ton jeune et maladroit poignet |
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Louis Aragon (1897 - 1982) |
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Portrait de Louis Aragon | |||||||||
BiographieLouis Aragon, que son père, un haut fonctionnaire et député, n'a jamais voulu reconnaître, montre très jeune un don pour l'écriture. Il est étudiant en médecine lorsqu'il rencontre André Breton en 1916 avec lequel il se lie d'amitié. En 1918, il publie ses premiers poèmes, puis part, en tant que médecin auxiliaire, au front des Ardennes. Son courage lui vaut d'être décoré de la Croix de Guerre. Principales oeuvresPOÈMES ET POÉSIES Citations de louis aragon |
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