Louis Aragon |
Un poème dit le second c'est un charnier Il était fait pour le bonheur les mots pour chanter dans sa bouche Tout à ses pas tourne en refrain tout à sa main courbe et se couche Un charnier d'oiseaux palpitants la plume douce tu la touches Au ventre à la gorge qui plie et tes doigts vont comme un vannier Évitant la plaie et le plomb où déjà sèche le sang sombre Un poème c'est un charnier dit le second caché dans l'ombre Avec cette voix des garçons qui lancent des pierres au loin Et du poids volant de leur corps se laissent tomber dans le foin Un poème répète-t-il et déjà l'image abandonne Son cour seul y bat de courir Les vanneaux n'ont plus qu'à mourir Blonds et blancs commo un long désert où le vent ne trouve personne Un poème répète-t-il et déjà l'image abandonne Son cour seul y bat de courir Les vanneaux n'ont plus qu'à mourir Blonds et blancs commo un long désert où le vent ne trouve personne Un poème dit le second c'est une place de province Où des voitures de gitans sous les arbres sont arrêtées Un cirque ou quoi ce va-et-vient si vite les cordes jetées Les voix criardes les dents blanches Un poème dit le second c'est la neige des peupliers Un beau jour où tous à la fois se sont tournés vers l'Italie Mouchoirs inverses du retour mains que l'on perd doigts déliés Il pleut mon âme il pleut des songes si légers qu'on les oublie Un poème dit le second et voilà soudain qu'il se troublo Est-ce l'eau qu'on boit dans la main brûlante et brune au soleil d'août Un cheval surgi dans l'avoine avec un regard vague et doux Ou le bruit lent au chemin creux des amoureux dans leurs pieds doubles Un poème dit le second comme à court de comparaisons Et son silence est une menthe odorante quand on la fauche Une église que l'orgue emplit du vin bruyant de sa débauche Chaque geste qu'il fait ébauche un horizon Un poème dit le second que voulez-vous que je vous dise Un matin trop beau qu'on se lève il vient des reflets du dehors Une barque et ma main qui pend la rivière fraîche la mord Un piétinement de troupeau parfumé de lait et de laine Une petite automobile qui s'en va dans le grand soleil d'une plaine Un homme en plein labour qui se souvient tout à coup de sa nuit Les yeux levés d'un enfant à l'école et la mouche qu'il suit Quelque part dans un stade une compétition de rumeurs Et les panneaux-réclame au-dessus des gens dans le jour qui meurt Le tremblement bleu de la main du joueur à Monte-Carlo Le frémissement d'un faubourg pour une course de vélos A cette halte de rouliers un échange noir de paroles Une bourrasque dans un greffe et tous les papiers qui s'envolent Le jeu dans la ville à midi des chantiers de construction Le voyageur qu'on suit des yeux qui porte aillours sa passion Un jour équivoque partout prêt à régner sur toute chose Un poème dit le second de sa voix de métamorphose Et peut-être que cette fois il va nous dire ce que c'est Qu'un poème enfin si seulement si seulement il le sait C'est alors que se met à parler le troisième |
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Louis Aragon (1897 - 1982) |
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Portrait de Louis Aragon | |||||||||
BiographieLouis Aragon, que son père, un haut fonctionnaire et député, n'a jamais voulu reconnaître, montre très jeune un don pour l'écriture. Il est étudiant en médecine lorsqu'il rencontre André Breton en 1916 avec lequel il se lie d'amitié. En 1918, il publie ses premiers poèmes, puis part, en tant que médecin auxiliaire, au front des Ardennes. Son courage lui vaut d'être décoré de la Croix de Guerre. Principales oeuvresPOÈMES ET POÉSIES Citations de louis aragon |
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