Louis Aragon |
Toujours quand aux matins obscènes Entre les jambes de la Seine Comme une noyée aux yeux fous De la brume de vos poèmes L'île Saint-Louis se lève blême Baudelaire je pense à vous Lorsque j'appris à voir les choses Ô lenteur des métamorphoses C'est votre Paris que je vis Il fallait pour que Paris change Comme bleuissent les oranges Toute la longueur de ma vie Mais pour courir ses aventures La ville a jeté sa ceinture De murs d'herbe verte et de vent Elle a fardé son paysage Comme une fille son visage Pour séduire un nouvel amant Bien n'est plus à la même place Et l'eau des fontaines Wallace Pleure après le marchand d'oubliés Qui criait le Plaisir Mesdames Quand les pianos faisaient des gammes Dans les salons à panoplies Où sont les grandes tapissières Les mirlitons dans la poussière Où sont les noces en chansons Où sont les mules de Béjane On ne s'en va plus à dos d'âne Dîner dans l'herbe à Robinson Devant la foule des fortifs Il a fui le ballon captif Le ciel était comme un grand trou Toutes les rengaines sont mortes Le caf'conc a fermé ses portes Luna-Park et la Grande-Roue La belle Lanthelme où est-elle Qu'on enterra dans ses dentelles Et couverte de ses bijoux Les yeux ouverts sous la voilette Comme un bouquet de violettes Un lait pâle peignant ses joues Il en trembla comme une feuille Le voleur brisant le cercueil Qui vit tout cela devant lui Parfums profonds qui s'exhalèrent Ah comme encore elle a dû plaire À ce visiteur de minuit Il faut pardonner à cet homme N'était-il pas ce que nous sommes Pensant à nos jeunes années Nous remuons nos propres cendres Et c'est toujours un peu descendre Dans une tombe profanée Qu'est-ce que cela peut te faire On ne choisit pas son enfer En arrière à quoi bon chercher Qu'autrefois sans toi se consume C'est ici que ton sort s'allume On ne choisit pas son bûcher Ôte à la nuit ses longs gants noirs Mets la pierre sur ta mémoire Ton pied sur la blancheur des os Détourne-toi de ce sommeil Lève haut ta lampe et réveille Les arbres d'encre et leurs oiseaux A tes pas les nuages bougent Va-t'en dans la rue à l'oeil rouge Le monde saigne devant toi Tu marches dans un jour barbare Le temps présent brûle aux Snack-bars Son aube pourpre est sur les toits Les grands boulevards s'illuminent De corail et d'aigue-marine Par un miracle d'harmonie Qui jette une torche aux fenêtres Et fait des lèvres de salpêtre Aux morts-vivants do l'insomnie Cette nuit n'est plus qu'un strip-tease Un linge sombre une chemise Qui s'envole sur un corps nu Et les maisons montrent leur hanche Dans la réclame jaune et blanche Incendiant les avenues Les femmes de bronze et de pierre Que déshabille la lumière D'un pont à l'autre de Paris Se penchant sur les bateaux-mouches Dont les projecteurs effarouchent À terre les couples surpris Au diable la beauté lunairo Er les ténèbres millénaires Plein feu dans les Champs-Elysées Voici le nouveau carnaval Où l'électricité ravale Les édifices embrasés Plein feu sur l'homme et sur la femme Sur le Louvre et sur Notre-Dame Du Sacré-Cour au Panthéon Plein feu de la Concorde aux Ternes Plein feu sur l'univers moderne Plein feu sur notre âme au néon Plein feu sur la noirceur des songes Plein feu sur les arts du mensonge Flambe perpétuel été Flambe de notre flamme humaine Et que partout nos mains ramènent Le soleil de la vérité |
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Louis Aragon (1897 - 1982) |
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Portrait de Louis Aragon | |||||||||
BiographieLouis Aragon, que son père, un haut fonctionnaire et député, n'a jamais voulu reconnaître, montre très jeune un don pour l'écriture. Il est étudiant en médecine lorsqu'il rencontre André Breton en 1916 avec lequel il se lie d'amitié. En 1918, il publie ses premiers poèmes, puis part, en tant que médecin auxiliaire, au front des Ardennes. Son courage lui vaut d'être décoré de la Croix de Guerre. Principales oeuvresPOÈMES ET POÉSIES Citations de louis aragon |
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