Louis Aragon |
a Pierre Reverdy Exténué de nuit Rompu par le sommeil Comment ouvrir les yeux Réveil-matin Le corps fuit dans les draps mystérieux du rêve Toute la fatigue du monde Le regret du roman de l'ombre Le songe où je mordais Pastèque interrompue Mille raisons de faire le sourd La pendule annonce le jour d'une voix blanche Deuil d'enfant paresser encore Lycéen j'avais le dimanche comme un ballon dans les deux mains Le jour du cirque et des amis Les amis Des pommes des pêches sous leurs casquettes genre anglais Mollets nus et nos lavallières Au printemps On voit des lavoirs sur la Seine des baleines couleur de nuée L'hiver On souffle en l'air Buée A qui en fera le plus Pivoine de Mars Camarades Vos cache-nez volent au vent par élégance L'âge ingrat sortes de mascarades Drôles de voix hors des faux-cols On rit trop fort pour être gais Je me sens gauche rouge Craintes Mes manches courtes Toutes les femmes sont trop peintes et portent des jupons trop propres CHAMBRES GAROTES Quand y va-t-on HÔTEL MEUBLÉ Boutonné jusqu'au menton J'essaierai à la mi-carême Aux vacances de Pâques on balance encore Les jours semblent longs et si pâles Il vaut mieux attendre l'été les grandes chaleurs la paille des granges le pré libre et large au bout de l'année scolaire la campagne en marge du temps les costumes de toile clairs On me donnerait dix-sept ans Avec mon canotier mon auréole Elle tombe et roule sur le plancher des stations balnéaires Le sable qu'on boit dans la brise Eau-de-vie à paillettes d'or La saison me grise Hais surtout Ce qui va droit au cour Ce qui parle La mer La perfidie amère des marées Les cheveux longs du flot Les algues s'enroulent au bras du nageur Parfois la vague Musique du sol et de l'eau me soulève comme une plume En haut L'écume danse le soleil Alors l'émoi me prend par la taille Descente à pic Jusqu'à l'orteil un frisson court Oiseau des îles Le désir me perd par les membres Tout retourne à son élément Mensonge Ici le dormeur fait gémir le sommier Les cartes brouillées Les cartes d'images Dans le Hall de la galerie des Machines les mains fardées pour l'amour les mannequins passent d'un air prétentieux comme pendant un steeple-chase Les pianos de l'Eolian Company assurent le succès de la fête Les mendiants apportent tout leur or pour assister au spectacle On a dépensé sans compter et personne ne songe plus au lendemain Personne excepté l'ibis lumineux suspendu par erreur au plafond en guise de lustre La lumière tombe d'aplomb sur les paupières Dans la chambre nue à dessein DEBOUT L'ombre recule et le dessin du papier sur les murs se met à grimacer des visages bourgeois La vie le repas froid commence Le plus dur les pieds sur les planches et la glace renvoie une figure longue Un miracle d'épongé et de bleu de lessive La cuvette et le jour Ellipse qu'on ferme d'une main malhabile Les objets de toilette Je ne sais plus leurs noms trop tendres à mes lèvres Le pot à eau si lourd La houppe charmante Le prestige inouï de l'alcool de menthe Le souffle odorant de l'amour Le miroir ce matin me résume le monde Pièce ébauchée Le regard monte et suit le geste des bras qui s'achève en linge en pitié Mon portrait me fixe et dit Songe sans en mourir au gagne-pain au travail tout le long du jour L'habitude Le pli pris L'habit gris Servitude Une fois par hasard regarde le soleil en face Fais crouler les murs les devoirs Que sais-tu si j'envie être fibre et sans place simple reflet peint sur le verre Donc écris A l'étude Faux Latude Et souris que les châles les yeux morts les fards pâles et les corps n'appartiennent qu'aux riches Le tapis déchiré par endroits Le plafond trop voisin Que la vie est étroite Tout de même j'en ai assez Sortira-t-on Je suis à bout Casser cet univers sur le genou ployé Bois sec dont on ferait des flammes singulières Ah taper sur la table à midi que le vin se renverse qu'il submerge les hommes à la mâchoire carrée marteaux pilons Alors se lèveront les poneys les jeunes gens en bande par la main par les villes en promenade pour chanter à bride abattue à gorge déployée comme un drapeau la beauté la seule vertu qui tende encore ses mains pures |
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Louis Aragon (1897 - 1982) |
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Portrait de Louis Aragon | |||||||||
BiographieLouis Aragon, que son père, un haut fonctionnaire et député, n'a jamais voulu reconnaître, montre très jeune un don pour l'écriture. Il est étudiant en médecine lorsqu'il rencontre André Breton en 1916 avec lequel il se lie d'amitié. En 1918, il publie ses premiers poèmes, puis part, en tant que médecin auxiliaire, au front des Ardennes. Son courage lui vaut d'être décoré de la Croix de Guerre. Principales oeuvresPOÈMES ET POÉSIES Citations de louis aragon |
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