Louis Aragon |
J'ai dit au violon Sors de ta peluche bleue J'ai dit à la lune Écarte les arbres noirs Jai dit à la beauté Prends-moi dans tes bras de silence Jai dit à la mort Mets ta petite main dans la mienne Ou cela se passait-il qu'il faisait si doux Une eau chantait pas loin je m'en souviens c'est tout Comme les amoureux les violons sont nus La lune se sentait ce soir hors de sa sphère La beauté n'avait d'yeux que pour des inconnus La mort apparemment ailleurs avait affaire Ou cela se passait-il les radios s'étaient tues Et nul souffle n'enflait le manteau des statues Les violons couchent tout nus comme les morts La lune a tout à coup la beauté d'une épaule Elle ramène dessus le châle des saules Apparemment là-haut plus qu'ici le vent mord À la fin des fins où cela se passait-il La beauté comme la mort était de sortie Violon violon muet comme une bûche Orange d'avoir brûlé ton ventre et ton dos Sur cette plage azur où tu faisais dodo Lazare lève-toi de ton lit de peluche Le vaste monde est à tes pieds comme une étoffe usée Le vaste monde est à tes pieds comme un carrelage au crépuscule Le vaste monde est à tes pieds comme une poupée brisée Comme un spéculateur gui s'aperçoit avoir fait un mauvais calcul Le vaste monde est à tes pieds comme une proposition refusée Où cela se passait-il Dans quel cimetière L'ombre à tes genoux montait de la terre entière Tu demeures tout bête et regardes ta main Gardant l'impression d'une main dans ta paume Ne crains rien la mort t'abandonne son royaume Pour cueillir un trèfle à quatre feuilles au bord du chemin Où cela se passait-il Peut-être en Judée Il y a partout des Lazare à mon idée Au clair de la lune on lui voit toutes ses cordes Les vers dans son ventre vide entrent par deux trous Qu'as-tu fait de ton suaire homme maigre et doux Ah Lazare tu n'es pas beau je te l'accorde Où cela se passait-il qu'en disaient les rats Et cette odeur de pourriture et cotera Ce violon comment voudriez-vous qu'il chante Ce violon comment voudriez-vous qu'il crie Quand Ia mort n'est plus là pour de sa main touchante Faire signe à Marthe et Marie Où cela se passait-il E faisait si lourd Des chevaux hennissaient tout près dans une cour Lazare est comme un instrument dont nul ne joue À quoi lui sert-il de revenir sur la terre S'il n'y peut même fredonner un petit air La lune détourne de lui sa grosse joue Où cela se passait-il Tout paraît étrange La mort a les yeux bleus au pays des oranges Le violon revient dans sa boîte de bois La mort s'assied dessus et la lune se cache Dans un bistrot près de la pointe Sainte-Eustache La dernière beauté s'accoude au bar et boit Où cela se passait-il M la vie est brève La recommencer n'importe ou le mauvais rêve |
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Louis Aragon (1897 - 1982) |
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Portrait de Louis Aragon | |||||||||
BiographieLouis Aragon, que son père, un haut fonctionnaire et député, n'a jamais voulu reconnaître, montre très jeune un don pour l'écriture. Il est étudiant en médecine lorsqu'il rencontre André Breton en 1916 avec lequel il se lie d'amitié. En 1918, il publie ses premiers poèmes, puis part, en tant que médecin auxiliaire, au front des Ardennes. Son courage lui vaut d'être décoré de la Croix de Guerre. Principales oeuvresPOÈMES ET POÉSIES Citations de louis aragon |
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