Louis Aragon |
Voulez-vous parlons d'autre chose Il y a des esprits moroses Des esquimaux des ecchymoses Desnos disait des maux exquis Il neige sur les mots en ski Chez qui chez qui On ne meurt plus que de cirrhose On ne lit plus que de la prose On s'en paye une bonne dose Desnos disait que c'est la vie La prose et peignait au lavis Ce bel avis Le dernier poème où l'on cause Le dernier laïtou qu'on ose Où ai-je mis le sac à Rrose Desnos ne vous a pas dit tout Ni pourquoi les jolis toutous Vont à Chatou Il faut prendre à petite dose Les lapins animaux qu'on pose Dans les bois de Fausse-Repose Si l'on veut les points sur les i On a perdu la poésie A Vélizy C'est par un matin de nivôse Sur l'autoroute l'auto rose D'un oto-rhino l'on suppose En passant qui laissa tomber Dans un numéro de Libé Le beau bébé Il règne des vues diverses En matière de divorce On n'en tranche point en Perse Comme en Corse Il y a des gens simplistes Devant la gare de l'Est Qui reprochent aux cyclistes D'être lestes Un camelot vend de la crème À raser boulevard du Crime Tandis qu'à maquiller les brèmes Un maquereau s'escrime C'est un sale métier que de devoir sans fin N'étant coupeur de bourses Bonneteur charlatan monte-en-1'air aigrefin Vendre la peau de l'ours A Paris les fourreurs écrivent en anglais Selon d'anciennes mours Le mot furs que la rime enseigne s'il vous plaît À mieux prononcer FURS Cela n'attire plus les clientes blasées Par ces temps de be-bop Et ni le lapin russe ou le mouton frisé Dans leurs tristes échoppes La martre-zibeline allez c'est plus joli Sur Madame en Packard Que quand le paradichlorobenzène emplit Le nez et les placards On demeure parfois pendant des jours entiers Tout seul dans sa boutique Et cette odeur de peaux qu'il faut que vous sentiez N'est pas très romantique L'opossum à la fin c'est tout aussi lassant Que la loutre marine Oh qui dira l'ennui qui prend le commerçant Derrière ses vitrines Quand je pense pourtant aux perceurs de plafonds Dont la vie est si dure Au cinéma j'ai vu comment ces gens-là font Et Dieu sait si ça dure À ceux qui pour avoir le respect du milieu Et de belles bottines Livrent leur sour cadette à de vilains messieurs Pour des prix de famine À ces voleurs d'enfants que de stupides gens Familles inhumaines Faute de déposer dans un arbre l'argent A l'assassinat mènent À ceux pour hériter qui se trouvent réduits A saigner dans des cuves Des femmes qu'en morceaux fort longuement on cuit Sur un fourneau Becuwe Je me dis caressant mes descentes de lit Mes manchons mes écharpes Qu'il ne faut pas céder à la mélancolie Et se joindre aux escarpes Qu'un magasin vaut mieux que de faire en prison Des chaussons de lisière Et mieux cent fois brosser les manteaux de vison Que buter les rentières Mieux lustrer le renard que d'aller proposer L'héroïne à tant l'once Mieux chez soi demeurer où sont entreposés Le castor et le skunks Et puis qu'on ait ou non vendu son chinchilla Son hermine ou son phoque Il vous reste du moins cet amer plaisir-là Vitupérer l'époque Vous direz ce que vous voudrez Mais le progrès c'est le progrès Tout change et se métamorphose Avec le temps il est des choses Qu'on croyait de bon placement Et qui n'ont duré qu'un moment Par exemple l'eau de mélisse Dont nous avons fait nos délices Croyez-vous toujours qu'il y a Des Dames au Camélia À présent mourir poitrinaire Est tout ce qu'on fait d'ordinaire Vous direz ce que vous voudrez Pour un progrès c'est un progrès Qu'un banquier voulût se choisir Pour successeur tout à loisir Un jeune homme propre et rangé Il lui suffisait de bouger Un peu ses rideaux sur la tringle Et de le voir pour une épingle Traversant la cour se baisser Le professeur Freud est passé Refermez donc vos brise-bise Rien de fait sans psychanalyse Vous direz ce que vous voudrez Pour un progrès c'est un progrès Ceux qui faisaient tirer naguère Leur ressemblance par Daguerre Et qui pour leur salon s'offraient Un petit Dagnan-Bouveret Ah les cochons comme ils ornèrent Leurs vaches de cosy-corners Mais aujourd'hui c'est à Dali Qu'ils demandent leurs ciels-de-lit Ils remplacent leurs lampadaires Par des mobiles de Calder Vous direz ce que vous voudrez Pour un progrès c'est un progrès Quand je pense que l'on s'obstine A user de la guillotine Moyen qui peut être excellent Mais un peu lent mais un peu lent Mandrin de nos jours et Cartouche Font enfantin pour ce qui touche Aux modernes philosophies La bagnole et le rififi Il faut bien donner au trafic Son visage scientifique Vous direz ce que vous voudrez Pour un progrès c'est un progrès Il a fui le temps des apaches Plus de surins et plus d'eustaches Plus d'entôleuse au coin des rues La cuisinière de Landru Relève de la préhistoire Depuis qu'on a les crématoires Qui déjà soit dit entre nous Font un peu conte de nounou Quand on pense à ce qu'on peut faire En passant par la stratosphère Vous direz ce que vous voudrez Pour un progrès c'est un progrès On n'a pas épargné les phrases Quand Guillaume employa les gaz À plus rien tout ça ne rima Au lendemain d'Hiroshima Sans doute l'homme vient du singe C'est un singe qui a du linge Des lettres des traditions Nous sommes en progression De l'homme sur le quadrumane Du pithécanthrope à Truman Vous dire ce que vous voudré Il y a prograis et prograis |
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Louis Aragon (1897 - 1982) |
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Portrait de Louis Aragon | |||||||||
BiographieLouis Aragon, que son père, un haut fonctionnaire et député, n'a jamais voulu reconnaître, montre très jeune un don pour l'écriture. Il est étudiant en médecine lorsqu'il rencontre André Breton en 1916 avec lequel il se lie d'amitié. En 1918, il publie ses premiers poèmes, puis part, en tant que médecin auxiliaire, au front des Ardennes. Son courage lui vaut d'être décoré de la Croix de Guerre. Principales oeuvresPOÈMES ET POÉSIES Citations de louis aragon |
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