Louis Aragon |
C'est une chose étrange à la fin que le monde Un jour je m'en irai sans en avoir tout dit Ces moments de bonheur ces midi d'incendie La nuit immense et noire aux déchirures blondes Rien n'est si précieux peut-être qu'on le croit D'autres viennent Ils ont le cour que j'ai moi-même Ils savent toucher l'herbe et dire je vous aime Et rêver dans le soir où s'éteignent des voix D'autres qui referont comme moi le voyage D'autres qui souriront d'un enfant rencontré Qui se retourneront pour leur nom murmuré D'autres qui lèveront les yeux vers les nuages Il y aura toujours un couple frémissant Pour qui ce matin-là sera l'aube première Il y aura toujours l'eau le vent la lumière Rien ne passe après tout si ce n'est le passant C'est une chose au fond que je ne puis comprendre Cette peur de mourir que les gens ont en eux Comme si ce n'était pas assez merveilleux Que le ciel un moment nous ait paru si tendre Oui je sais cela peut sembler court un moment Nous sommes ainsi faits que la joie et la peine Fuient comme un vin menteur de la coupe trop pleine Et la mer à nos soifs n'est qu'un commencement Mais pourtant malgré tout malgré les temp6 farouches Le sac lourd à l'échiné et le cour dévasté Cet impossible choix d'être et d'avoir été Et la douleur qui laisse une ride à la bouche Malgré la guerre et l'injustice et l'insomnie Où l'on porte rongeant votre cour ce renard L'amertume et Dieu sait si je l'ai pour ma part Porté comme un enfant volé toute ma vie Malgré la méchanceté des gens et les rires Quand on trébuche et les monstrueuses raisons Qu'on vous oppose pour vous faire une prison De ce qu'on aime et de ce qu'on croit un martyre Malgré les jours maudits qui sont des puits sans fond Malgré ces nuits sans fin à regarder la haine Malgré les ennemis les compagnons de chaînes Mon Dieu mon Dieu qui ne savent pas ce qu'ils font Malgré l'âge et lorsque soudain le cour vous flanche L'entourage prêt à tout croire à donner tort Indiffèrent à cette chose qui vous mord Simple histoire de prendre sur vous sa revanche La cruauté générale et les saloperies Qu'on vous jette on ne sait trop qui faisant école Malgré ce qu'on a pensé souffert les idées folles Sans pouvoir soulager d'une injure ou d'un cri Cet enfer Malgré tout cauchemars et blessures Les séparations les deuils les camouflets Et tout ce qu'on voulait pourtant ce qu'on voulait De toute sa croyance imbécile à l'azur Malgré tout je vous dis que cette vie fut telle Qu'à qui voudra m'entendre à qui je parle ici N'ayant plus sur la lèvre un seul mot que merci Je dirai malgré tout que cette vie fut belle |
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Louis Aragon (1897 - 1982) |
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Portrait de Louis Aragon | |||||||||
BiographieLouis Aragon, que son père, un haut fonctionnaire et député, n'a jamais voulu reconnaître, montre très jeune un don pour l'écriture. Il est étudiant en médecine lorsqu'il rencontre André Breton en 1916 avec lequel il se lie d'amitié. En 1918, il publie ses premiers poèmes, puis part, en tant que médecin auxiliaire, au front des Ardennes. Son courage lui vaut d'être décoré de la Croix de Guerre. Principales oeuvresPOÈMES ET POÉSIES Citations de louis aragon |
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