Louis Aragon |
Une chambre un rayon de ruche un souffle et le temps qui ne passe pas Cela dure déjà depuis depuis combien depuis quand Au-dehors il y a le soleil et la pluie Au-dedans pas d'espoir qu'autrement cela vire Mais il faut sa durée enfin pour toute chose Rien n'est changé rien n'a bougé C'est ici le palais de l'immobilité des meubles Insensible pente à l'abîme Quelqu'un se lève et marche et se rassied Rien n'a plus signification qu'attendre Attendre quoi Attendre atteindre Atteindre quoi Atteindre éteindre Déjà les gestes machinaux se sont rouilles Que faire dont on n'ait pas honte Comme des pieds et du tapis Avant il y avait un verre d'eau peut-être une drogue Un coussin qu'on arrange un drap Qu'on tire L'oreille guette au fond de l'air la respiration perpétuée Et c'est un peu comme tuer chaque fois qu'on croit qu'elle s'arrête Un bruit d'étoffe une toux quelqu'un Se déplace Tout à l'heure encore on avait la chance du chagrin Des souvenirs un siège de pensées Comment cela s'est-il peu à peu déformé Il ne reste qu'angoisse vague et que cour vain Une armoire a craqué les regards se détournent Ailleurs il se devine un va-et-vient Le poids du corps passe d'un pied sur l'autre On se sent bête de ses mains Combien d'heures déjà combien d'heures encore De jours qui sait l'Impatience craint de montrer son visage Calme-toi calme-toi monstre intérieur L'affreux sera quand c'est fini Pour l'instant simplement tu prends ton propre pouls Lui bien frappé qui bat d'un pas égal Ni freiné ni plus vif Faudrait-il croyez-vous baisser un peu plus les rideaux Pourquoi baisser croyez-vous que la clarté lui soit blessante Ah nous n'en sommes nous n'en sommes plus là C'est en soi qu'on voudrait atténuer toute lumière S'asseoir ou se lever pourquoi pourquoi Tout que sais-je paraît intention révèle une hâte furtive Je n'aurais jamais cru qu'en moi pourrait mûrir Ainsi le fruit amer de voir quelqu'un mourir Quelqu'un Comment oser dire ce mot atroce Et ma main sur ma lèvre en étouffe le bruit Quelqu'un Déjà ce n'est plus que quelqu'un par l'agonie J'ai dit quelqu'un comme un battement de montre La peur dépersonnalisée Les autres ne devraient pas mourir c'est trop étrange Cela n'appartenait qu'à moi jusqu'ici semblait-il De quel droit tombent-ils de moi comme parts de moi-même Et lentement si lourdement avec ça Que se passe-t-il Rien J'avais cru comprendre Le temps reprend son cours à petites gorgées Songer à tout fait autre chose songer A des détails insignifiants de la vie Le mouchoir dans les doigts vous fait un air inutilement pathétique Oh surtout éviter cette préfiguration des cris et des pleurs Ne pas avoir mal avant l'heure voilà Ce qui profondément me préoccupe Ce serait devancer ce qui vient indécemment devancer ce qui vient Est-ce une illusion le souffle est-il plus court Je ne sais pas Peut-être et plus sombres les ombres Il m'a semblé Sa main Pure nervosité On entend sourdement au-dehors les voitures Ce quartier vers le troisième étage a toujours une certaine qualité de noir Vous n'avez pas faim cela peut prendre encore excusez-moi Il est neuf heures du soir La sonnette du cinéma Tout va comme si de rien n'était même nous-mêmes Et le Tanagra sur la cheminée Les bibelots Seigneur le hasard des bibelots Regardez-les si vous pouvez sans en frémir C'est bien le pire Et la poussière |
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Louis Aragon (1897 - 1982) |
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Portrait de Louis Aragon | |||||||||
BiographieLouis Aragon, que son père, un haut fonctionnaire et député, n'a jamais voulu reconnaître, montre très jeune un don pour l'écriture. Il est étudiant en médecine lorsqu'il rencontre André Breton en 1916 avec lequel il se lie d'amitié. En 1918, il publie ses premiers poèmes, puis part, en tant que médecin auxiliaire, au front des Ardennes. Son courage lui vaut d'être décoré de la Croix de Guerre. Principales oeuvresPOÈMES ET POÉSIES Citations de louis aragon |
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