Louis-Ferdinand Destouches |
L'entrée dans la vie après le fameux certificat, l'embauche, l'apprentissage, les mille petits travaux éprouvants de garçon de course ou de commissionnaire, ces modestes succédanés de l'enfer évoqués dans Mort à crédit, il n'en était pas tout de suite question pour Louis Destouches. Encore une seconde, Monsieur le Bourreau ! L'instituteur-examinateur philosophe du roman aurait pu se rassurer. En couronnant ses jeunes candidats, il ne les envoyait pas systématiquement à la vie active ou à l'abattoir, ce qui revenait sans doute au même à ses yeux. Pour eux, la vie passive ou plutôt la vie passée, la vie d'écolier conservaient leurs droits. Comme un sursis, le dernier sans doute. Ce moment où d'autres payent encore à votre place, vous entretiennent, prennent les décisions, dressent en somme ce bouclier invisible, infranchissable et précieux entre tous, qui vous protège de la misère du monde, de l'avenir, de ses soucis et par conséquent de la mort. « L'ambition de ma mère était de faire de moi un acheteur de grands magasins. Il n'y avait pas plus haut dans son esprit. Quant à mon père, il ne voulait pas que je fasse des études parce qu'il trouvait que c'était la misère et il le voyait puisqu'il était dedans. » A défaut d'études théoriques et de nouveaux diplômes restait l'acquisition des langues. Cet atout suprême du commerce. Ce gage de promotion. Cette arme de la réussite internationale. Un vendeur qui parle anglais, qui parle allemand, jusqu'où ira-t-il ? Acheteur de grands magasins, oui, pourquoi pas ? Ou bien chef de rayon, ou bien, ou bien... Les Destouches rêvaient. Louis, leur fils unique, voilà ce qu'il ne faut jamais oublier, leur fils unique, c'est-à-dire leur unique espoir, leur unique revanche, justifiait des sacrifices non moins uniques. Louis donc parlerait anglais, parlerait allemand, et plus il parlerait et plus il s'élèverait dans l'échelle de la société. Parler, convaincre, tromper, triompher, mentir, autant de synonymes à leurs yeux peut-être - mais en avaient-ils bien conscience ? Autant de certitudes qui hanteraient en tout cas l'ouvre de Céline : parler pour réussir, pour opprimer, pour conforter ses privilèges en les appuyant sur la misère d'autrui. Premier objectif donc, l'Allemagne. Quels sentiments animaient Fernand Destouches le patriote, le nationaliste farouche, à l'idée d'envoyer son seul fils chez l'ennemi héréditaire, le Prussien, l'usurpateur de l'Alsace et de la Lorraine ? Un sentiment de dépit peut-être, mais enfin il ne fallait reculer devant aucune concession. Ou un sentiment d'orgueil, car Louis prendrait là-bas la mesure de l'adversaire, dompterait sa langue et, pourquoi pas ? ferait à sa façon du renseignement, informerait son père du moral des populations germaniques. On ne tranchera donc pas sur ces points de vue opposés et peu contradictoires. Et le jeune homme, écrivant de là-bas à sa famille, jouera du reste le jeu appris, se montrera convenablement patriote et commentera parfois avec sarcasme l'actualité et les journaux d'outre-Rhin. Par quel biais les Destouches avaient-ils été mis en rapport avec un certain Hugo Schmidt, directeur et professeur d'une école secondaire à Diepholz, en Basse-Saxe, et qui acceptait de prendre en pension le jeune Louis pour cent vingt marks par mois, plus quelques marks pour l'argent de poche et les leçons de piano ? Retenons simplement le départ de l'expédition à la fin août 1907, Louis chargé de sa cantine, de sa bicyclette et d'une foule de recommandations, Louis chargé surtout de son père et de sa mère qui voulaient vérifier de visu à qui ils confiaient leur progéniture... Telle est donc l'image forte : l'enfant unique répétons-le, l'enfant accompagné et protégé avant d'être abandonné pour la première fois, ce qui infirme bien sûr toute la mythologie célinienne véhiculée en particulier par Mort à crédit, et qui nous présente le jeune Louis (ou BardamU) rudoyé par des parents chez qui le sens du devoir efface la vraie sollicitude, comme les reproches incessants le moindre aveu de tendresse. Non, Marguerite et Fernand Destouches s'embarquaient bel et bien avec lui, prudence et affection obligent, gare de l'Est direction Diepholz, multiples changements à Aix-la-Chapelle, Dûsseldorf et on en passe, quarante-huit heures de train et, pour Céline, la première de ses traversées ferroviaires de l'Allemagne. Une brève parenthèse s'impose ici, ou un détour par l'ouvre célinienne. Dans Mort à crédit, Céline saute sans aucune transition du certificat d'études à l'embauche de l'enfant chez un commerçant. « Le lendemain, on s'est mis en quête d'une maison réellement sérieuse pour que je commence dans le commerce. Une place même un peu sévère, où on ne me laisserait rien passer2. » Pas question d'écoles, de vacances et d'apprentissage des langues. La raison en est simple. Plus jeune, plus démuni, plus exploité donc, le héros de Mort à crédit n'en devient que plus pathétique. Toujours ce souci célinien d'accuser les traits, de noircir davantage les ombres, de révéler les souffrances et par conséquent la vérité de ce monde - la vérité célinienne s'entend - quand le cauchemar déchire soudain le voile souriant des apparences, quand le délire saisit la réalité, la déforme, la soustrait au vraisemblable pour la restituer, convulsive, à ce degré de vérité supérieur qui s'appelle peut-être l'impressionnisme des seules émotions. Bien sûr, on retrouvera par la suite dans Mort à crédit une évocation fort transposée du séjour de Louis dans des collèges anglais. Mais ce séjour n'interviendra là que comme une « dernière chance ». Un rachat de l'enfant après ses expériences calamiteuses dans le commerce. Un espoir ultime dont on pressent déjà qu'il sera vain. Autrement dit, le séjour en Angleterre sera mis en scène artificiellement comme l'un des plus grands chagrins du héros, le moment où il sera sans doute le plus démuni, incompris, malheureux et culpabilisé. Rien de tel évidemment dans la vie de Louis Destouches pensionnaire en Allemagne puis collégien à Rochester ou à Broadstairs. Là-bas, ses séjours nous semblent, grosso modo, paisibles sinon heureux. Sans incidents, sans accidents, sans catastrophes. Avec le cortège des joies, des exaltations et des tristesses habituelles et secrètes de l'adolescence et de ses métamorphoses, leurs aspirations incertaines, brouillonnes, à une sexualité comparable à un brouillard qui se dissipe trop lentement, bref cet âge qui nous paraît au fond si trouble, si opaque et dont il est impossible de bien cerner après coup les vraies valeurs, les repères et les sensations... Et il règne sur eux un grand silence. Par ailleurs, ce qui n'est pas dramatisable, si l'on ose dire, n'intéresse pas Céline. Son séjour d'écolier en Allemagne, il l'a peu exploité dans ses livres. Et ce n'est pas tout : il n'en a jamais vraiment fait état non plus dans ses interviews, lorsqu'il évoquait son enfance, se forgeait son personnage à coups de souvenirs approximatifs, de retouches au vrai tableau familial, d'à-peu-près, de trompe-l'oil et de repentirs. Pourquoi ? Peut-être parce que la Première Guerre était venue avec son lot d'horreurs, de sang, d'absurdité et de haine, et que Céline avait du mal à rapprocher les mois insouciants qu'il avait passés en Allemagne, à l'âge de treize et quatorze ans, de ses souvenirs atroces de combattant de la première heure. Ou bien parce que, après la Seconde Guerre mondiale, Céline sur la défensive ne tenait pas à souligner les origines de cette complicité qu'on lui prêtait à tort avec l'Allemagne et sa culture. Les Destouches abandonnèrent donc leur fils en cette fin de l'été 1907 pour entreprendre l'interminable voyage de retour vers Paris, la gare de l'Est et le passage Choiseul. Mais Marguerite l'avait promis, elle retournerait le voir dès la Toussaint. Il devait avoir le cour gros, Louis. Le décor de Diepholz, au bord d'un cours d'eau, la Hunte, avec son vieux château comtal et ses quelques milliers d'habitants, n'avait rien d'enchanteur ni de primesautier. Tout autour : des marécages, la plaine de Basse-Saxe à l'infini et la grande ville de Brème perdue au nord, bien au-delà de l'horizon. On comprend les propos désabusés que Céline tenait encore, au début des années cinquante, en rédigeant D'un château l'autre : « J'ai été chez eux ces boches-là, Nord Prusse... Brandebourg.. . j'y ai été tout petit, 9 ans... et plus tard, comme interné... j'aime pas le patelin, mais enfin... c'est de la plaine de terre pauvre et sables, entre de ces forêts !... terres à patates, cochons, et reîtres... et des plaines à orages ! pardon ! dont on a pas idée ici !... et de ces forêts de séquoias dont on n'a pas l'idée non plus3!... » Propos redoublés du reste un peu plus loin par une hostilité non moins excessive à l'égard des habitants eux-mêmes : « J'en sais un petit bout sur l'Allemagne !... hélas !... plus que je ne voudrais !... cette mousseline parme... pardi !... Diepholz, Hanovre !... Diepholz, la Volks-chule !... 1906 ! on m'y avait mis à apprendre le boche !... que ça me serait utile dans le commerce !... Salut ! ah, Diepholz, Hanovre !... vous parlez de souvenirs !... méchants qu'ils étaient acharnés, déjà !... peut-être pires qu'en 44 !... les torgnioles qu'ils m'ont foutues à Diepholz, Hanovre ! 1906 !... Sedantag ! Kaisertag ! les mêmes sauvages qu'en 144 !... » Et on notera en passant les erreurs volontaires que Céline glisse dans ces quelques lignes, l'âge de neuf ans par exemple qu'il s'attribue alors qu'il en avait treize, ou bien l'année 1906 alors qu'il s'agissait des deux années suivantes. Ce que Louis Destouches laissait derrière lui pour la première fois, au fond, c'était non seulement la cloche à gaz du passage Choiseul, c'était tout un monde familial qui l'avait bon an mal an couvé. Et maintenant, il disait adieu à son père, à sa mère, à son oncle Louis Guillou, l'oncle Edouard de Mort à crédit, le sportif en maillot de corps comme échappé d'un récit de Maupassant, avec son vélocipède, sa maison de campagne à Ablon, sa bonne humeur sans malice, son magasin d'imperméables rue La Fayette, ses parties de canotage sur la Seine et son automobile pétaradante... Et du côté Destouches ? Les regrets devaient être moins vifs. La tante Amélie, la tante Hélène du roman, n'était qu'un mythe à la séduction sulfureuse au plus loin de son horizon. Après avoir couru l'Europe et la prétentaine, laissant derrière elle un sillage de galants, d'amants ou de clients comme on voudra, elle s'était établie en Roumanie où elle épousa un diplomate, Zenon Zawirski. Exit donc la tante Amélie... Georges Destouches (l'oncle AntoinE) était entré dans l'administration. Après avoir occupé un poste de sous-chef de bureau au ministère de l'instruction publique, il venait de décrocher en mars 1906 le titre de secrétaire général de la faculté de médecine de Paris. Mais ses rapports n'étaient pas des meilleurs avec Fernand Destouches qui le jalousait et l'accusait de devoir son avancement à la franc-maçonnerie. Par la suite, Jacques Destouches, le fils de Georges, terminera ses études de médecine en même temps que Louis, et les relations entre les deux hommes ne seront pas plus cordiales. Jacques ira même, en 1932, jusqu'à faire savoir, par un communiqué de presse, qu'il n'avait rien de commun avec l'auteur de Voyage au bout de la nuit... Charles Destouches, le second frère, c'était l'oncle Arthur de Mort à crédit, « un luron, avec barbiche, velours grimpant, tatanes en pointe, pipe effilée. B s'en faisait pas. Il donnait fort dans la "conquête". Il tombait malade souvent et fort gravement à l'époque du terme. Alors il restait des huit jours couché avec ses compagnes5. » Il était demeuré bohème, raté, un jour vendeur dans un grand magasin et un jour dessinateur de catalogue, un jour assistant d'un architecte et le lendemain sirotant son absinthe au fond d'un café. Il n'était pas très fréquentable... Mais l'était-il davantage, René Destouches (l'oncle RodolphE), un peu maboul depuis qu'il était tombé d'une falaise, et qui somnola toute sa vie comme employé subalterne à la Compagnie du téléphone ? « Il se marrait doucement quand on lui parlait. Il se répondait à lui-même. Ça durait des heures. Il voulait vivre seulement qu'à l'air. Il a jamais voulu tâter d'un seul magasin, ni des bureaux, même comme gardien et même de nuit. Pour croûter, il préférait rester dehors, sur un banc. Il se méfiait des intérieurs. Quand vraiment il avait trop faim, alors, il venait à la maison. Il passait le soir. C'est qu'il avait eu trop d'échec6. » En bref, ce n'était pas le côté Destouches qui manquait à l'enfant à l'heure où il découvrait l'Allemagne, se baladait en bicyclette dans les environs de Diepholz, faisait ses gammes au piano, se coiffait chaque matin de la casquette de l'école pour se rendre dans la Klasse 3 de l'austère Mittelschule avec son fronton typiquement nordique à paliers. « Le Passage Choiseul ne m'est pas indispensable », écrivit-il alors à ses parents. Mais on n'est pas forcé de le croire. Toutefois, selon son logeur et professeur Herr Schmidt, Louis était gai, travailleur, sportif. Il faisait de la marche, du patin, de la gymnastique. Il était bricoleur, inventif. Pour arrondir son argent de poche, il donnait des leçons de français et il accomplissait des petits travaux d'électricité pour les habitants de Diepholz. Le point d'ombre est peut-être là, précisément : ce sentiment de culpabilité qu'il éprouvait sans doute (et que ses parents contribuèrent à lui inculqueR) vis-à-vis de l'argent. Les Destouches n'étaient pas pauvres, on le sait, mais ils avaient le sentiment d'être pauvres, et c'est peut-être plus grave. A leurs yeux, toute dépense relevait du sacrifice. Tout bonheur était une faute, s'il n'était pas productif. Céline, sa vie durant, sera marqué par cette exigence austère du devoir, de l'argent que l'on doit gagner à la sueur de son front et, surtout, que l'on doit économiser. La morale du bas de laine en somme. Céline ou l'antigaspillage... Au 1er janvier 1908, il écrivait par exemple à ses parents : « Je vous remercie de tout mon cour des sacrifices que vous vous imposez pour mon avenir mais croyez bien que je ne serai pas un ingrat et que plus tard vous aurez tout lieu de vous contenter du grand sacrifice que vous faites pour moi7. » Et les semaines se déroulèrent, répétitives, enjouées ou nostalgiques. Au début du Voyage, Céline évoque ce séjour transformé sans doute pour les nécessités dramatiques du roman : « Je les connaissais un peu les Allemands, j'avais même été à l'école chez eux, étant petit, aux environs de Hanovre. J'avais parlé leur langue. C'était alors une masse de petits crétins gueulards avec des yeux pâles et furtifs comme ceux des loups ; on allait toucher ensemble les filles après l'école dans les bois d'alentour, où on tirait aussi à l'arbalète et au pistolet qu'on achetait même quatre marks. On buvait de la bière sucrée8. » Plus instructives sont évidemment les lettres qu'il adressa régulièrement à ses parents, et qui nous frappent par l'imperturbable minutie avec laquelle Louis se fait chroniqueur d'une petite ville d'Allemagne au début de ce siècle, raconte la mort du fils du cabaretier de la gare ou le crime commis par le marchand de fleurs de Brème... Et toujours cette réserve, cette pudeur de l'enfant dans l'exposé de ses émotions, de ses sentiments. Comme si, au malaise souvent laconique de cet âge, s'ajoutait déjà un caractère ombrageux, trop excessif peut-être dans la joie, la souffrance, et qui apprenait à cacher du même coup ses états d'âme. A Pâques, comme convenu, Louis revint passer les vacances avec ses parents. Et son père en profita pour tester un peu ses connaissances. Les rapports favorables d'Hugo Schmidt étaient-ils après tout dignes de foi ? Fernand Destouches eut donc l'idée un peu bizarre de réunir un petit jury (une cour d'assises ?) présidé du reste par un traducteur juré près de la cour d'appel. Et le prévenu dut y témoigner. Le jury délibéra ensuite, loua ses connaissances, sa facilité à parler et à comprendre l'allemand. A sa charge pourtant, on retint ses faiblesses en grammaire et en rédaction. La sentence tomba : il serait souhaitable que l'enfant accomplît un nouveau séjour outre-Rhin. La séance était levée... Et après les grandes vacances passées de nouveau en famille, Louis repartit pour quatre mois, début septembre 1908 donc, vers l'Allemagne. Destination Karlsruhe cette fois, chez un professeur, Herr Rudolf Bittrolff, qui lui offrait une chambre particulière, une vie de famille, une nourriture abondante et une discipline toute germanique. Ses parents l'accompagnèrent. Comme d'habitude. Tout était en ordre. De huit heures à treize heures, l'école. Le déjeuner, puis la séance de piano (une heurE), l'allemand (une heurE), le temps libre (deux heureS) avant les études (une heure encorE) qui précédaient le souper. Terminées les incartades ! Louis dut apprendre à marcher droit et à s'incliner devant l'objectivité des pendules, le diktat des emplois du temps, la discipline du maître. Même les balades à bicyclette avec le fils du « professor » Bittrolff âgé de seize ans, ne devaient pas emprunter, on l'imagine volontiers, des sentiers trop détournés ou trop imaginaires. Louis n'a sans doute pas été heureux à Karlsruhe. Herr Bittrolff lui reprocha sa paresse, sa prononciation défaillante, son manque d'attention, son désordre, sa négligence, sa superficialité... En témoignent les lettres qu'il écrivait lui-même au père de son élève-pensionnaire. C'est que Louis ne pouvait s'accorder à un tel régime peu compatible avec son caractère. Mais il était un enfant, c'est-à-dire un roseau. Il plia. Il progressa au piano. Il fit moins de fautes en allemand. Il dépensa aussi moins d'argent de poche (un mark par semainE) parce que les affaires ne devaient pas être trop brillantes au magasin. Toujours les angoisses financières. Et encore un Noël à passer loin des siens, parce que le séjour était payé jusqu'à la fin de l'année. La haine du gaspillage toujours. A la fin décembre 1908, ouf ! c'était terminé. La levée d'écrou. Louis allait retrouver sa mère, son père, son chien. Dans ses bagages, les cadeaux prévisibles, le baril de choucroute et la bouteille de kirsch. Adieu l'Allemagne ! Louis avait quatorze ans et il ne laissait aucun regret derrière lui. Une île, deux collèges A peine deux mois-janvier et février 1909 - pour souffler, pour renouer avec sa famille et ses habitudes parisiennes, pour oublier surtout l'Allemagne, les fumées industrielles de Karlsruhe et la férule de Rudolf Bittrolff, et déjà Louis devait préparer sa nouvelle expédition. Depuis deux ans, ses parents n'habitaient plus au-dessus du magasin mais dans un logement un peu plus confortable et spacieux, rue Marsollier, dans un immeuble modestement bourgeois dont les fenêtres donnaient sur la salle Ventadour qui avait abrité autrefois l'Opéra, à quelques dizaines de mètres à peine du passage Choiseul. Sa mère y habitera jusqu'à sa mort. Toutefois, Louis retrouva bien à son retour la boutique, les dentelles, les clients trop rares et l'odeur d'urine du passage, on allait dire l'odeur de son enfance. La France cicatrisait alors tant bien que mal ses blessures de l'affaire Dreyfus. Une autre crise mobilisait du reste les attentions et réquisitionnait les journalistes : la révolte des vignerons du Midi qui partaient en croisade contre le gouvernement et l'État, protestaient contre la baisse des prix du vin, organisaient le sabotage administratif de leur province et fomentaient presque une rébellion pure et simple du Languedoc. Mais Clemenceau avait fait donner la troupe. Partout, du reste, pour lutter contre les grèves de la région parisienne ou les menées jugées subversives des cheminots cégétistes, le mot d'ordre était à la répression. Le Bloc des Gauches avait bel et bien vécu. Briand qui succéda à Clemenceau en 1909 allait continuer le combat. L'ordre bourgeois devait régner. La grève des cheminots était « illégale ». Oui, le climat était à la fermeté. Fernand Destouches devait s'en réjouir. L'éducation de son fils, il allait l'achever aussi par des sacrifices et des décisions énergiques. L'Angleterre donc pour lui, et sans tarder ! Mais les affaires, c'est vrai, étaient maussades. Toujours les mêmes soucis domestiques, les mêmes rancours professionnelles, les mêmes rêveries inassouvies. Non, rien n'avait trop changé autour de Louis. Mais c'est l'enfant qui avait changé. Un an et demi loin de chez lui, de ses amis. Qui pouvait-il reconnaître ou retrouver ? Sa cousine Charlotte peut-être, « Lolotte », qui avait son âge, la fille de l'oncle Charles, à qui le liait une solide et affectueuse complicité ? Peut-être. Ou bien sa camarade de piano Simone Saintu... Mais il avait grandi si vite, il n'était déjà plus à l'échelle de ses souvenirs et de son cadre de vie. Les camarades de l'enfance se dispersent trop rapidement après les premières infidélités ou les premiers départs. Louis était donc fin prêt pour traverser la Manche. Déjà plus autonome, plus affranchi des liens de l'enfance, de ses peurs frileuses, de ses routines et de ses joies familiales. Le pli était pris, son père l'accompagna. Ils embarquèrent, de Calais à Douvres, le 22 février 1909. Puis Folkestone et le train pour Chatham qui ne formait pratiquement qu'une seule agglomération avec Rochester, cette déjà grosse ville à l'embouchure de la Medway et de la mer du Nord, sur sa rive droite, à une quarantaine de kilomètres à peine de Londres. Leur destination : TUniversity School, au 5 et 6 New Road, deux maisons mitoyennes sur les hauteurs de la ville, qui constituaient le collège tenu par un couple, les Toukin. A Fernand Destouches, tout sembla en ordre. Le jardin privé, en pente, cerclé d'un mur de brique, était peut-être triste et humide. Tant pis ! Du moins, de l'autre côté de la rue, s'élevait jusqu'au sommet de la colline une vaste pelouse publique, un terrain de jeu idéal pour les pensionnaires... Et puis, en contrebas, il y avait la vie du port, l'appel des sirènes, le va-et-vient des navires, les docks, la brume, les phares et la magie de l'aventure. Fernand Destouches le marin raté serait bien resté sur les hauteurs de Rochester, à observer et à rêver. Cette dunette surclassait celle de la chambre supérieure du passage Choiseul. Mais son emploi du « Phénix » l'attendait. Il laissa là son fils accablé de ses recommandations, lui témoigna une fois de plus cette autorité bougonne et cette tendresse laconique qui avait le goût aigre de l'impatience et de l'échec. Peut-être l'enviait-il. Il avait tort. Car tout n'était pas si en ordre que ça, à l'University School tenue par le couple Toukin. La nourriture ? Médiocre et chiche, si l'on en croit les lettres de Louis à ses parents. Au déjeuner, pâtés de viande ou tranches de bouf épaisses comme des feuilles de papier, une purée incertaine et du pudding ; thé, pain et confiture à cinq heures, et c'était à peu près tout pour la journée. Quand les élèves s'échappaient du sous-sol humide où se tenaient les repas en présence des Toukin, c'était pour retrouver, l'après-midi, le terrain de jeux d'en face et, semble-t-il, la plus totale liberté. Mais le matin, durant les heures de cours, la discipline ne devait pas être trop stricte non plus. Ce qui n'empêcha pas Louis de prendre en grippe Mrs Tonkin... « Quant aux gosses ils sont très gentils les maîtres aussi qui ont la figure de pauvres pions au cachet l'un s'occupe de moi particulièrement. Je ne vous raconte pas des histoires et il ne faut pas croire que c'est parce que je veux m'en aller. C'est peut-être le changement de vie9. » Louis n'osa pas toutefois se faire adresser des suppléments de nourriture. Par peur de se faire remarquer, par discrétion face à ses camarades et à ses professeurs condamnés à l'ordinaire de la pension. Et la qualité de l'enseignement ? « Ils ne se tuent pas à l'école si tu voyais ce que les enfants anglais sont fainéants ils passent leur peu de temps de classe à se lancer des balles en caoutchouc10. » Très vite, les Destouches comprirent de quoi il retournait. Il fallait retirer Louis de sa pension de Rochester. Pour justifier ce départ précipité, Fernand mit au point une ruse assez misérable. Il écrivit aux Toukin que sa femme était tombée malade, qu'elle devait vendre son fonds de commerce et se reposer dans le Midi où la compagnie de son fils lui serait des plus précieuse sinon même indispensable. Et à peine un mois après son arrivée à Rochester, Louis désertait donc, achetait ostensiblement devant Mr Toukin un billet pour Paris et good bye ! Une fois arrivé à Douvres, seul, changement de programme et de direction : il prit le train pour Ramsgate parce que, à quelques kilomètres de Ramsgate, à la pointe la plus orientale du Kent, s'étageait une petite station balnéaire, Broadstairs, où il était attendu, dans la belle demeure de Pierre-mont Hall transformée depuis deux ans à peine en collège. Là au moins, espéraient les Destouches, leur fils serait convenablement nourri (et Dieu sait si une nourriture saine et abondante est indispensable à un grand gaillard qui termine sa croissance !), éduqué et discipliné. Cette fois-ci, ils étaient bien tombés. Et l'on ne saurait imaginer changement de décor plus radical entre les deux villes, les deux collines, les deux systèmes éducatifs. A Rochester la populeuse, l'industrielle, l'agitée, succédait la douce petite cité de Broadstairs dont Dickens, qui y avait séjourné à plusieurs reprises, écrivait : « C'est de tous les lieux de villégiature, l'un des plus charmants et des moins affectés. » Aux bâtiments humides de l'University School répondait la majesté victorienne de Pierremont Hall avec son portique à colonnes corinthiennes, son pavillon de musique, sa vaste salle à manger bien aérée et son grand parc privé aux alentours. Louis bénéficiait d'une chambre particulière. La nourriture était anglaise ou, du moins, exempte de tout reproche. Il pratiqua à peu près tous les sports imaginables, la natation et le cricket, le tennis et la course à pied (il remporta un 2 000 mètres et reçut une montre d'acier en récompensE), le hockey sur gazon et le football. Ce n'est pas tout. Le copropriétaire de l'institution et professeur de Louis, Gilbert Farn-field, prit en affection son élève. Il loua sa gentillesse, complimenta ses progrès en anglais. Son épouse Elizabeth lui donna des leçons de piano, du moins jusqu'à ce qu'elle accouche puis tombe malade à la suite de cet accouchement. Elle perdit alors - momentanément-l'usage de la parole. Un spécialiste fut dépêché de Londres pour tenter de la guérir. Deux courts séjours à Paris, en mai et août 1909, vinrent rompre le rituel du séjour de Louis à Broadstairs. On ne les mentionne que pour les traversées épouvantables qui furent son lot, de Calais à Douvres. Tempêtes, mal de mer et tout le toutim, Louis saisi de nausée « et le vent a tout emporté sur la robe d'un clergyman ». Bien sûr, le voilà le point de départ de la fameuse traversée apocalyptique de la famille vers l'Angleterre, relatée dans Mort à crédit. Que pourrait-on ajouter sur ces neuf mois - de mars à novembre 1909 - passés par Louis à Broadstairs, dans une souple discipline qui sembla lui convenir, entre breakfast, lunch et five o'clock tea, entre leçons et parties de foot sur la plage, promenades, études et récréations ? Que tout allait pour le mieux et qu'il avait échappé à l'enfer de Rochester pour gagner le paradis de Pierremont Hall ? Non, ce serait aller un peu vite en besogne. Je crois qu'il faut nuancer l'appréciation à porter sur ces deux séjours. Pour y voir plus clair, un bref détour par Mort à crédit s'impose. On constate d'abord que Céline n'y évoque qu'une seule pension, celle du « Meanwell Collège » de Rochester, qui doit emprunter la plupart de ses caractéristiques à l'University School. Et d'abord son point de vue sur la ville et le port. « Le "Meanwell Collège" on ne pouvait pas désirer mieux comme air, comme point de vue. C'était un site magnifique... Du bout des jardins, et même des fenêtres de l'étude, on dominait tout le paysage. Dans les moments d'éclaircies on pouvait voir toute l'étendue, le panorama du fleuve, les trois villes, le port, les docks qui se tassent juste au bord de l'eau... Les lignes de chemin de fer... tous les bateaux qui s'en vont... qui repassent encore un peu plus loin... derrière les collines après les prairies... vers la mer, après Cha-tham... C'était unique comme impression11... » Ou encore : « Les bruits de la ville, du port, montaient, remplissaient l'écho... Surtout ceux de la rivière en bas... On aurait dit que le remorqueur il arrivait en plein jardin... On l'entendait même souffler derrière la maison... II revenait encore... Il repartait dans la vallée... Tous les sifflements du chemin de fer, ils s'enroulaient en serpentins à travers les buées du ciel... C'était un royaume de fantômes12... » Est-ce l'adulte, l'écrivain Céline seulement qui resongeait, vingt-cinq ans plus tard, au romanesque maritime de Rochester ? Ou bien, pour une part, l'enfant déjà de connivence avec ce « royaume de fantômes » ? Souvenons-nous, on n'est pas plus sérieux à quinze ans qu'à dix-sept, on se laisse griser par les bocks et les promenades, l'appel du large et les lourdes et entêtantes tentations de la sexualité, de l'inconnu, de Tailleurs. Louis Destouches, quinze ans, devait donc s'accorder aux paysages, aux décors de Rochester, à cette révélation qui allait devenir l'un de ses thèmes récurrents - les fantômes, les goélettes, les brouillards anglais, la mer - et qui trouva sans doute sa plus parfaite expression dans Guignol's band... Céline, toute sa vie, adora l'Angleterre, la langue anglaise, le climat anglais qui résonnaient à son cour de Breton. Jusqu'à la dernière guerre, il multiplia les séjours à Londres, pour un caprice, un oui, un non, un besoin, un manque. Et tout était venu de Rochester la canaille et pas de Broadstairs la bourgeoise. En écrivant encore Rigodon à la veille de sa mort, il revenait sur son port, le temps d'une brève parenthèse, d'une évocation nostalgique, pour revoir les navires à quai, les équipages en bordée franche, le samedi soir, tous les uniformes de l'Empire titubant de couleurs et de whisky, les pugilats sur les docks, la lumière crue des réverbères à acétylène, les flonflons et les cornets à piston de l'Armée du Salut à un coin de rue. Ah ! Rochester, prodigieuse machine à rêver pour Céline, l'un des premiers déclics de son imaginaire, qui sait ?... « Je ne veux pas vous faire de réclame pour ces enchantements d'autres temps... d'autres ports... que je vous rattrape ! très bien ma tête, le coup de brique, le sang par l'oreille et patati... mais je ne peux pas me permettre tout !... respect au lecteur s'il vous plaît ! respect, oui, certes... tout de même je vous fais remarquer, je me permets, que les odeurs me manquent, les fumets de friterie, tabac et les sueurs... et de tout ce monde-là, matelots, militaires et truands... odeur de cargaisons aussi, campêche, safran, huile de palme... absolument essentiel pour que vous y soyez un petit peu, que ce soit pas seulement du rêve, ces quais de Rochester, Chatham et Stroude... enfin vous ferez ce que vous pourrez !... à la grâce de Dieu13 !... » Il faut nous représenter Céline à cet âge. Il a grandi si vite. Photographié à Diepholz en septembre 1907, il a encore l'air d'un gamin, l'allure espiègle, la bouille hilare, avec toujours ses oreilles en chou-fleur. On l'imagine, entre deux crises de mélancolie, farceur, bondissant, espiègle, déluré et insouciant. Deux ans plus tard en Angleterre, changement de portrait, de taille, de dégaine, de silhouette, de tout. « Je finissais dare-dare ma croissance. Au bout d'un mois j'avais doublé. La violence des éléments ça me faisait une révolution dans les poumons, dans la stature. A force de taper, de racler tous les plats bien avant que les autres m'invitent je devenais comme un fléau à table. Les mômes ils reluquaient mon écuelle, ils me filaient des regards criminels, y avait la lutte c'est évident... Je m'en foutais je causais à personne14... » Louis est devenu grand, mince. Il porte beau avec ses chaussures bien lacées, son veston et sa chaîne de montre, sa casquette vissée sur son front. Il joue à l'adulte, aucun doute. Ou au jeune homme qui n'a gardé de l'enfant que les joues encore un peu rondes... Et ce jeune homme, à quoi pense-t-il ? Au sexe, bien entendu, aux masturbations effrénées des dortoirs de Rochester, aux premières amours - projetées ou réelles ? - avec les prostituées du coin ou les initiatrices magiques de son entourage. Relisons donc toujours Mort à crédit et la passion qu'il voue à Nota Merrywin, passion éthérée, forcenée, entre la pure poésie et l'obscénité rageuse. Qui est Nora Merrywin, celle qui se donne à l'enfant, au narrateur de Mort à crédit avant de disparaître, mirage tragique, et de se jeter dans la mer ? A-t-elle jamais existé ? Était-ce la redoutable Mrs Toukin ? Ou la douce Elizabeth Farnfield ? Sans doute ni l'une ni l'autre. La première n'était pas séduisante. La seconde, enceinte, allait tomber malade. Sans doute aussi les deux. Un pur fantasme, en un mot, cette étincelle qui jaillit et éclaire toujours la personnalité, au frottement de la réalité et de l'imaginaire. Par ailleurs, Louis ne devait pas être trop fier d'avoir déserté l'University School après s'être plaint, avoir « rapporté », comme disent les enfants, auprès de ses parents. Et dans Mort à crédit, il opère un curieux - et instructif - renversement. Le « Meanwell Collège » dépérit mais il est le seul à tenir bon, à rester fidèle au poste, alors que les autres pensionnaires lâchent les uns après les autres. C'est que l'on construit en face un nouvel établissement luxueux, la « Hopeful Academy » au nom si révélateur, si prometteur, qui attire tous les suffrages, tous les clients. Cette « Hopeful Academy » bien entendu symbolise un peu Broadstairs. Mais le narrateur, encore une fois, tient bon, il ne trahit pas, il n'appartient pas à ce monde trop riche, trop protégé, trop heureux de la « Hopeful Academy » (ou de Pierremont HalL). On touche là à quelque chose d'essentiel, à une constante du paysage célinien. L'univers de Pierremont Hall n'était pas fait pour Louis Destouches. Le bonheur s'y conjuguait avec la richesse, comme une douce amnésie en somme, quand on ne craint pas les lendemains qui déchantent. Et Louis, déjà, songeait sans cesse aux fins de mois ou au crépuscule. « On n'avait qu'une chose de commun, dans la famille, au Passage, c'était l'angoisse de la croûte. On l'avait énormément. Depuis les premiers soupirs, moi je l'ai sentie... Ils me l'avaient refilée tout de suite... On en était tous possédés, tous, à la maison15. » Et par extension, les soucis d'argent débouchaient bien sûr chez lui sur cette conscience de la souffrance, de la misère, du temps qui passe, qui décompose et démasque les arabesques et les frivolités gracieuses de la vie, qui entraîne vers la décomposition et la mort. Mais revenons à Broadstairs et à Pierremont Hall. Louis y était-il si heureux puisqu'il avait conscience que ses parents se forçaient, se sacrifiaient pour dépenser les vingt livres de sa pension ? Il le pressentait au fond, il n'aurait pas dû être là. Ses lettres à ses parents témoignent toujours de ce souci obsédant. « Je vous remercie bien de m'avoir changé et ferai mon possible pour vous rembourser cela quand j'aurai "ma situation" l'année prochaine16. » Ou encore : « Je tâcherai par ma conduite et mon application de vous rendre le plus heureux possible, afin de pouvoir vous rendre les sacrifices énormes que vous vous imposez pour moi depuis ma naissance et surtout depuis deux ans afin de me donner une arme pour plus tard17... » Quand Elizabeth Farnfield tomba malade, ses élèves lui offrirent des petits cadeaux. Louis aussi aurait voulu lui apporter un bouquet de fleurs. Mais avec quel argent ? Il dut y réfléchir à deux fois avant de réclamer un shilling à ses parents. On vient de se poser la question : qui était Nora Merrywin le fantôme tragique de Mort à crédit avec ses mains si claires, si effilées, son visage comme un sortilège, la courbe de ses lèvres et ses cheveux qui devenaient lumière près de la cheminée ? Oui, peut-être était-elle inspirée surtout d'Elizabeth Farnfield, mais dans la seule mesure où cette dernière était inaccessible, où elle relevait du royaume des fées, où Pierremont Hall était un mirage pour gens riches, alors que Louis Destouches n'était pas riche, qu'il ne faisait qu'y passer, le temps d'un malentendu qui ne tarderait pas à se dissiper... A la mi-novembre allait sonner en effet le retour aux réalités et à la France. Le 5, une soirée d'adieux fut donnée à Pierremont Hall en son honneur. Et chacun d'y aller de son poème, sa chanson ou son solo de violon. Louis joua du piano à ce « farewell concert ». Puis il fit ses bagages, il traversa la Manche, destination Paris, le commerce et la vie active. Son chien adoré, Bobs le fox-terrier, était mort. Bref, le chagrin, c'est-à-dire la réalité, l'attendait sur l'autre rivage. Lui, il parlait anglais couramment et il gardait encore des mirages plein la tête. |
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Louis-Ferdinand Destouches (1894 - 1961) |
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Portrait de Louis-Ferdinand Destouches | |||||||||