Loys Masson |
(extraits) Poitrine de l'olivier où l'arbre de patience est en son plus doux caressé par le temps d'aventure. Je m'y suis taillé un pan d'écorce À votre semblance autrefois quand dans votre front l'été se cherchait encore -je l'ai enflammé ; Un brasier très pur comme d'un holocauste plein de signes et de chants morts, j'y ai promené l'ombre de mes mains Longtemps pour qu'elles soient sauves de toute tache et puis j'ai écrit à destination des sereins épan-deurs de joie votre nom tel qu'il était avant le lever du vent d'angoisse: Avant moi. Je n'ai jamais connu dans sa vérité ce qui m'était cher; je brûlais d'absolu je m'inventais nécessaire à son devenir. C'était hier. Je passais près de la source sans voir le rouge-gorge y boire en silence, économe de sa chanson pour ses amours du soir ; je n'écoutais que la rumeur là-bas de l'embouchure mariage en moi de l'onde et du divin de la mer. Maintenant à ces jours morts qui tombent de mes épaules sans même rider l'eau je possède le dur savoir ; Le pain des joies ne se fait que du levain de l'aléatoire : pour l'avoir ignoré je meurs de faim. Temps enfui. Chacun à l'heure d'aimer regarde le soleil en face tel l'aigle en sa légende et puis ferme les yeux sur une étoile du tard, l'humble et l'habile la tamisante qui fait durer l'espoir en son leurre, le tranquille. J'ai regardé jusqu'au vertige. Temps enfui, cristal rebondissant en son écho de cristal en cristal, aveugle désormais de ne mirer que le convexe et l'oblique. De lourds loriots anciens, cendres de leur chant encore convoient le matin vers son nom d'été. Le révolu vit de proies humbles endormies sous le sommeil des haies ; il n'est là que pour témoigner d'un homme parti de lui-même depuis plusieurs années. La cécité des larmes est la plus profonde ces yeux dans les yeux qui en calme tumulte ne fixent que l'amour et la mort. Christ, nuit d'Orphée, syllabe arrêtée du chant d'adieu, hier y ressuscitait dans le remords Eurydice ; où maintenant est-il? Je tourne et tourne en vain dans de rondes ténèbres. Où sont sa croix, ailes clouées du Verbe, et mon reniement qui l'avait plantée ? Je ne sais. Déferlement d'eau longue : la mémoire ne s'oriente plus et s'aveugle. Qu'ai-je été, qu'ai-je désiré, quelle est cette ombre un matin venue avec l'aube m'aborder pour me rendre si seul ? Déferlement, déferlement d'eau longue ; j'y ai perdu jusqu'au toucher, je ne peux même plus en suivre le contour. Ni ombre peut-être ni personne : seulement un dessin de mon souffle sur une vitre tachée, ma jeunesse. Chacun du sel de ses larmes sécrète peu à peu lucidement sa tombe. Où se dresse la mienne et quelle est-elle au bout de quel sentier du vent? Je me souviens à peine, comme au fond d'une autre vie, d'effluves tendres qui me guidaient vers ma fin, me bâtissaient ma prison à la fois d'immobilité et d'audace et de lendemain. Comme au fond des sargasses d'une autre vie. Comme aux marches d'une éternité que je ne gravirai qu'à reculons condamné à ne jamais montrer mon visage aux étoiles de rémission. La ronce dans midi se déchire à son ombre saigne petit christ d'interdit humilié, loin des passions non permises à qui ne pouvait accueillir la rosée d'aube qu'en la blessant. Mon regard malgré lui se fait lance avide à raviver la poitrine du rouge-gorge qui déjà mélancolie chantait frileux sur notre jeunesse fil à fil s'en allant. Au poème tombeau d'Arimafhie que n'avons-nous mis à dormir le temps d'étreinte afin qu'il ressuscitât un matin, de grand matin ? |
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Loys Masson (1915 - 1969) |
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