Lucien Becker |
La lumière tue le cour. Aussi s'est-il enfoui dans le sol noir de la chair tel un charbon sous la cendre. Malgré le soleil qui perce les fenêtres, malgré la nuit qui entre par mes lèvres, je suis pris dans mon corps comme une taupe dans ses galeries. L'ombre que je porte sous la peau est une ombre qui se nourrit de sang. Elle est pour mon désir la plus sûre des plates-formes. La tête est pesante sous la main parce que le monde s'appuie contre elle et que la vie se jette contre ses tempes de papier. Mais la bouche reste légère comme un oiseau dans l'air. Sur les fleuves que le soir fait déborder, dans les champs qui deviennent au loin un horizon, au-dessus des arbres soudain changés en ciel, j'ai vu la joie paraître à visage découvert. Elle avait souffert des siècles durant de devoir vivre entre le regard des hommes, à la merci d'une larme qui coule au moment où l'espace s'élève de tout son monument de lumière, à la merci des pays inconnus qui s'étendent d'une tempe à l'autre, à la merci des déserts que la mort élargit entre des êtres qui se comptent à l'heure des repas. Mais je ne l'ai vu que le temps de la reconnaître. Elle s'en est allée d'un seul coup comme une branche chargée de fruits qui échappe des mains de qui veut la retenir. |
Contact - Membres - Conditions d'utilisation
© WikiPoemes - Droits de reproduction et de diffusion réservés.
Lucien Becker (1911 - 1984) |
|||||||||
|
|||||||||
Portrait de Lucien Becker | |||||||||
BiographieLucien Becker est un poète rare et sa voix unique fut saluée par Camus, Paulhan, Bousquet, Cadou, Char. Né à Béchy (Moselle), en 1911, mort à Nancy en 1984, il a composé, en marge de la vie littéraire et de ses mouvements, une ouvre brûlante autour du corps de la femme, seul rempart contre le néant. Résistant pendant la guerre, il ne cessera de résister à la poésie et à ses entours illusoir L'oeuvre de lucien beckerLucien Becker n'est peut-être pas le plus grand poète lyrique de son époque; mais il est, sans nul doute, celui qui se sera tenu au plus près du réel, tout en restant farouchement à l'écart de tout artifice. En cela, il aura prolongé la leçon de Reverdy, sa tension nouée, cette écoute des pas, des heures, alors que le silence même est fait de minéral. |
|||||||||