Marceline Desbordes-Valmore |
Que je vous crains ! que je vous aime ! Que mon cour est triste et navré ! Seigneur ! suis-je un peu de vous-même Tombé de votre diadème : Ou suis-je un pauvre ange égaré ? Du sable où coulèrent vos larmes Mon âme jaillit-elle un jour ? Tout ce que j'aime a-t-u des armes, Pour me faire trouver des charmes Dans la mort, que but votre amour ? Seigneur ! parlez-moi, je vous prie ! Je suis seule sans votre voix ; Oiseau sans ailes, sans patrie, Sur la terre dure et flétrie, Je marche et je tombe à la fois ! Fleur d'orage et de pleurs mouillée, Exhalant sa mourante odeur, Au pied de la croix effeuillée, Seigneur, ma vie agenouillée Veut monter à votre grandeur ! Voyez : je suis comme une feuille Qui roule et tourbillonne au vent ; Un rêve las qui se recueille ; Un lin desséché que l'on cueille Et que l'on déchire souvent Sans savoir, d'indolence extrême, Si l'on a marché sur mon cour, Brisé par une main qu'on aime, Seigneur ! un cheveu de nous-même, Est si vivant à la douleur ! Au chemin déjà solitaire, Où deux êtres unis marchaient. Les voilà séparés... mystère ! On a jeté bien de la terre Entre deux cours qui se cherchaient ! Ils ne savent plus se comprendre ; Qu'ils parlent haut, qu'ils parlent bas, L'écho de leur voix n'est plus tendre ; Seigneur ! on sait donc mieux s'entendre, Alors qu'on ne se parle pas ? L'un, dans les sillons de la plaine, Suit son veuvage douloureux ; L'autre, de toute son haleine, De son jour, de son aile pleine. Monte ! monte ! et se croit heureux ! Voyez : à deux pas de ma vie, Sa vie est étrangère à moi, Pauvre ombre qu'il a tant suivie. Tant aimée et tant asservie ! Qui mis tant de foi dans sa foi ! Moi, sous l'austère mélodie Dont vous m'envoyez la rumeur, Mon âme soupire agrandie, Mon corps se fond en maladie Et mon souffle altéré se meurt Comme l'enfant qu'un rien ramène, L'enfant dont le cour est à jour. Faites-moi plier sous ma chaîne ; Et désapprenez-moi la haine, Plus triste encore que l'amour ! Une fois dans la nuit profonde J'ai vu passer votre lueur : Comme alors,.enfermée au monde, Pour parler à qui me réponde, Laissez-moi vous voir dans mon cour ! Rendez-moi, Jésus que j'adore, Un songe où je m'abandonnais : Dans nos champs que la faim dévore, J'expiais... j'attendais encore ; Mais, j'étais riche et je donnais ! Je donnais et, surprise sainte, On ne raillait plus ma pitié ; Des bras du pauvre j'étais ceinte, Et l'on ne mêlait plus l'absinthe Aux larmes de mon amitié !... Je donnais la vie au coupable, Et le temps à son repentir ! Je rachetais à l'insolvable ; Et pour payer l'irréparable, J'offrais l'amour seul et martyr. |
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Marceline Desbordes-Valmore (1786 - 1859) |
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Portrait de Marceline Desbordes-Valmore | |||||||||
Biographie / OuvresNée à Douai en 1786, elle devient chanteuse puis comédienne et elle épouse en 1817 un certain Valmore, acteur dont elle fera passer le nom à la postérité. Chronologie |
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